La virtuelle rencontre
Je passais devant toi.
Et j'arrêtais mes pas,
Je le sentais
Déjà,
Je t' intéressais dans le perçant de ce regard particulier.
Les yeux dans le vague.
Je fais venir les images, je les appelle, elles défilent une à une en toute absence d'un regard
Envie de les retenir, leur demander de rester pour adoucir le creux du jour
Entrouvrir, mes lèvres,
Un cri … silencieux …
Deux grands yeux d'un bleu aux inégales nuances, deux ouvertures sur un monde inconnu, le tien qui pourtant, déjà me semblait familier.
Les images prennent consistance
Et le cri devient bras,
Il se matérialise
Poignet impatient
Main tendue
Doigts à la pulpe tellement sensitive dans la tentation du frôlement,
De l'effleurement,
De la caresse.
… je ne rencontre rien.
Donc refermer le poing,
Rageuse de ce mur de temps,
Un temps qui n'est plus,
Un temps qui n'est pas,
Un temps dans le temps...
Je relâche cette idée d'étreinte qui s'enfuit dans l'infini des horizons...
La fixité de ton regard m'avait tout d'abord comme envoûtée, mais la pâleur de l'expression m'avait tellement effrayée,
Paradoxe, la peur avait réveillée chez moi des envies de funambule dément.
Le fil était dans l'infini hauteur,
Mon désir tout autant,
Je ressens encore la brulure du fil sous mes pieds nus,
Pourtant rien n'apparait, ni rougeurs, ni entailles,
Alors je m'élance encore,
Je glisse sur la ligne,
Butée je ne renonce pas, je défonce l'air, j'avance, j'avance encore.
Mais la ligne s'efface, recule...
Lointaines, les images me tournent le dos …
Tout chez toi le disait
Je percevais,
L'attente d'un signe, la suspension,
Écouter
Regarder
L'aquilin de ton nez où l'air semblait à peine entrer,
Et cette respiration saccadée,
Une illusion brisée,
Tout retenir, tout masquer, tout maitriser, tout contrôler dans la conscience des impossibles.
J'assortissais alors mon souffle à ce rythme, le tien.
Je ne relis plus,
Je ne relie plus les mots entre eux,
Les images défilent encore,
Mais elles sont muettes, et elles filent.
Je les suis, je suis chasseresse dans l'intense et l'éphémère de cet instant.
Le corps tendu à l'extrême, impatient mais bridé, puissance en devenir,
Le corps comme retenu
Orée d'une course éperdue.
Amante, aimante qui sait déjà qu'elle se consumera,
Se fondra avec l'amant
Intenses et délicieuses brulures...
J'étais mal à l'aise devant cette bouche fermée,
Close, comme abandonnée par la parole, par le sonore, par le rire.
Silence bavard pourtant qui transpirait de ton regard.
C'était sur lui que je fixais le mien tant le pincement de tes lèvres m'indisposait.
Je passe doucement ma langue sur mes lèvres entrouvertes,
J'aspire l'air,
Je lui invente des saveurs nouvelles
Accompagner l'attente qui est là dans ma quête
Puis décliner des partitions gustatives, vives, épicées et naïves à la fois...
Je recette ma culinaire et imaginative tension,
Pulsion,
Elles me poussent l'une et l'autre à exalter mes sens déjà fort aiguisés …
Mais ton regard n 'était pas doux,
Lourd de tes attentes,
Il m'incendiait juste un peu plus,
D'un impossible tactile tes iris pénétraient les miens,
Trembler
Ne pas oser m'abandonner
Vérité des émotions.
Je restais
Pensive
Rêveuse d'intimité,
Antre chaude dont je livrerai les secrets...
J'étais juste ébranlée.
Te regarder me regarder,
Me considérer.
Et avoir aimé
Face à toi
J'écoutais déjà sans savoir les mille et unes de tes milliers d'histoires.
Plonger dans ton regard
Entière
Dénudée d'artifices
L'affrontement n'avait duré que l'espace d'une mesure,
Et je savais déjà que sur cette portée,
Des notes voluptueuses et chaudes venaient de s' imprimer
Juste ce vacarme dans ma tête,
Fracas sublimement indélicat,
Ne rien masquer
Jeter les tabous et les fards
J'étais vivante,
Tu l'étais tout autant.
Puis détourner mon regard
Te quitter sans pouvoir te nommer.
Je ne te connaissais pas,
Ni toi, ni cette petite fille, à l'air intrigué, presque apeuré qui était là à tes côtés,
Dans la rue pourtant,
Sur ma nuque
Un regard aux nuances inégales de bleu me suivait dans mes pas ...
L'ordinateur vient de se mettre en veille,
J'ai du rêver encore,
Assise,
Je réajuste la pause,
Et je place mes doigts sur ce clavier trop froid.
Soupir,
Je souris.
Je sais,
Et je ne sais pas.
Mais j'avance d'un pas.
Et me moque des improbables
Il me reste des à venir.
© Isabelle Janvier – Janvier 2012 – Tous droits réservés.