Retraites : Personne ne peut garantir que cette réforme sera la der des ders
Lire les explications sur cette réforme : "Retraites : hausse des cotisations et allongement à 43 années en 2035"
Si Jean-Marc Ayrault et les cadres du Parti socialiste qualifient cette réforme de "responsable", "juste", "équilibrée" et "structurelle", tel n'est pas l'avis de nombreux responsables de l'UMP, qui dénoncent des hausses d'impôt sans réforme structurelle, et de l'aile gauche du PS, qui regrette l'allongement de la durée de cotisation à quarante-trois ans.
- Les partenaires sociaux divisés
Du côté de la CGT, Eric Aubin, membre de la direction du syndicat, a affirmé que "la CGT n'a pas été entendue par le gouvernement" et s'est dit "formellement opposé à un transfert des cotisations famille vers l'impôt", alors que le premier ministre a anoncé une prochaine réforme pour que le financement de la branche famille pèse moins sur le coût du travail.
"Nous avions fait des propositions de réforme de fond avec des mesures de court terme et de long terme mais le premier ministre a balayé d'un revers de main les propositions de la CGT. Plus que jamais la manifestation du 10 septembre est nécessaire pour peser sur les choix et faire en sorte que d'autres choix soient faits."
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a estimé pour sa part sur Europe 1 que l'allongement de la durée de cotisation après 2020 "n'est pas un signe d'espoir pour les jeunes". Il s'est dit en revanche satisfait de voir l'augmentation de la cotisation "privilégiée" à une hausse de la CSG, et la création d'un compte pénibilité, "quelque chose que nous demandions".
"Le premier ministre a pris les chaussons de M. Fillon puisqu'il prolonge ce qu'avait fait M. Fillon en 2003, à une époque où il n'était pas d'accord. Personne ne peut garantir que cette réforme sera la der des ders, ce qui justifie qu'on appelle à mobiliser le 10 septembre."
Lire la tribune de M. Mailly dans Le Monde : "Réforme des retraites : les revendications de Mailly"
A l'inverse, la direction de la CFDT s'est félicitée des "mesures de justice" obtenues :
"La CFDT prend acte des efforts partagés et mesurés qui sont demandés, et restera vigilante sur la concrétisation des mesures de justice annoncées, et se félicite de la création d'un compte personnel pénibilité, une évolution majeure de notre système de retraite."
Côté patronal, Pierre Gattaz, président du Medef, a dénoncé dans une interview au Figaro"une réforme dangereuse qui n'est pas acceptable pour nous".
"A vrai dire, c'est même une non-réforme : aucun problème structurel n'est résolu. Le gouvernement ne fait que taxer, taxer. Les mesures annoncées ce soir par le premier ministre sont un renoncement à régler de manière durable la question des retraites par une véritable réforme. Il est irresponsable aujourd'hui d'augmenter les charges et les contraintes sur les entreprises [alors que] la situation économique de notre pays est grave."
Enfin, Jean-François Roubaud, président de la CGPME, a affirmé que son organisation "est assez inquiète".
"On voit peu de réformes, mais une augmentation des prélèvements et une augmentation des dépenses. Une réforme ce n'est pas ça. Ce que je demande, c'est que le premier ministre et le gouvernement s'engagent à une annulation de ces charges supplémentaires."
Pour le président de l'UMP,Jean-François Copé, la réforme des retraites est "simplement une hausse de taxes qui va pénaliser le pouvoir d'achat des salariés, qui va pénaliser la compétitivité des entreprises, à un moment où le chômage continue d'augmenter".
Lire notre décryptage : "Retraites : la durée de cotisation au cœur des enjeux"
Pour Hervé Mariton, député UMP et délégué général chargé du projet des retraites à l'UMP, "les comptes pour 2020 n'y sont pas".
"Rien n'est réglé à plus long terme, rien n'est fait pour rapprocher les régimes et assurer la justice, et les Français vont payer davantage. Le gouvernement achète, sur le dos des Français, un sursis de trois ou quatre ans, mais ne règle rien. Cette 'réformette' n'est ni efficace, ni juste, ni durable."
- La gauche de la gauche dénonce
Le coprésident du Parti de gauche Jean-Luc Mélenchon a estimé au JT de France 2 que les mesures proposées constitueraient une "série de ponctions" au détriment des salariés.
"Au-delà de tout, qu'est-ce qui va commencer tout de suite ? Une baisse des salaires, c'est ça qui commence (...) sur la feuille de paie, le salaire baisse. Quand vous prenez sur les salaires, ça réduit la consommation. Quand vous réduisez la consommation, ça réduit l'activité, donc ça réduit mécaniquement l'emploi."
Le Parti communiste français a pour sa part considéré que Jean-Marc Ayrault se détournait des Français.
"En entérinant l'allongement de la durée de cotisation prévue par la réforme Fillon-Sarkozy et en prolongeant cette augmentation à quarante-trois ans d'ici [à] 2035, Jean-Marc Ayrault tourne le dos à l'attente des Français qui ont élu la gauche et s'étaient mobilisés en 2010 contre la réforme de la droite."
- PS et gouvernement à la défense
La ministre des affaires sociales, était évidemment la première à défendre le projet de réforme de son gouvernement. Invitée par TF1, la ministre a estimé que, "pour la première fois, une réforme des retraites est aussi synonyme de droits nouveaux, de progrès, de justice sociale".
"Cette réforme est courageuse parce que nous ne pouvions pas laisser filer les déficits tels qu'ils existent, et qu'ils seront totalement comblés par la réforme que nous engageons. C'est une réforme audacieuse, ambitieuse, parce que, contrairement à ce qui a été fait au cours des dernières réformes, elle s'inscrit dans la durée : nous réfléchissons à l'horizon 2035, 2040, nous ne nous contentons pas de replâtrer les comptes, nous introduisons de véritables tranformations du système."
Le président des députés PS,Bruno Le Roux,a défendu "une réforme globale, juste et progressiste."
"Cette réforme tranche enfin avec les précédentes par son souci de concevoir un compromis fécond avec les partenaires sociaux. Beaucoup de leurs remarques et de leurs propositions ont été prises en compte et [ont] contribué à l'équilibre général du projet. Le groupe socialiste est totalement solidaire de cette réforme qui correspond point par point à ce que nous défendons. Le gouvernement prouve qu'on peut rénover notre modèle social sans saper ses fondements comme l'a fait l'ancienne majorité de droite."