Strauss-Kahn au Sénat, dans ses habits d'économiste
La chaîne Public Sénat avait même posté des caméras dans tous les couloirs du Palais du Luxembourg... Las ! Comme il fallait s'y attendre, l'ancien directeur général du FMI est passé par le parking souterrain. Le retour de DSK dans l'une des enceintes de la République, pour la première fois depuis le 14 mai 2011 et son arrestation à New York, n'aura donc pas été immortalisé par l'image. Mais chez les parlementaires, il a évidemment fait jaser.
Venu pour une commission mixte paritaire, le député du Nord Yves Durand (PS) le trouve "déplacé". Mais son collègue de Haute-Garonne Christophe Borgel, ancien lieutenant et ex-fondé de pouvoir de DSK rue de Solférino, s'agace : "N'importe quel citoyen doit répondre à un président de commission !" Les socialistes peinent à cacher leur profond embarras face au come back de leur ex-futur candidat à la présidentielle de 2012. "Si la commission d'enquête a besoin de ses explications à l'époque où il dirigeait le FMI, aucune raison d'en faire un événement particulier", évacue David Assouline, porte-parole du parti et sénateur de Paris.
REFUS D'INCRIMINER LA FINANCE
Les membres de la commission, eux, ne sont pas peu fiers de cette heure de gloire. "Je ne crois pas que ses frasques personnelles aient altéré ses compétence intellectuelles. Au pire, ça lui a oxygéné le cerveau", estime Nathalie Goulet, sénatrice centriste de l'Orne et vice-présidente de la commission. "La morale est jugée ailleurs. Ici, on n'est pas au tribunal, abonde Eric Bocquet (PCF), rapporteur de la commission. Il a fait des dégâts dans l'opinion, sali la République, mais ce n'est pas le sujet. C'est l'économiste qu'on auditionne."
De fait, "l'économiste" n'a rien perdu de sa faconde. Sa montre posée devant lui, une vieille habitude héritée de l'époque où il tenait des meetings pour le PS et discourait pour le FMI, il déroule, dans son propos liminaire, son style des plus pédagogiques, son sens de la formule et son ton pontifiant : "De mon point de vue, incriminer la finance dans le désastre économique que nous vivons en Europe en général et en particulier dans notre pays, a pour moi à peu près la même pertinence qu'incriminer l'industrieautomobile quand on parle des morts sur la route."
Difficile de ne pas y voir une allusion au discours du Bourget, dans lequel le candidat François Hollande désignait ladite finance comme "son adversaire". Difficile, également, de ne pas lire le propos de celui qui a essuyé coup sur coup les scandales du Sofitel et du Carlton autant comme une réflexion philosophique, voire psychanalytique, que comme une leçon d'économie.
"LA CONDITION HUMAINE"
Dominique Strauss-Kahn, qui ne peut réprimer un sévère rictus quand il évoque sa "vie publique", évoque le "comportement des individus" et le "risque de responsabilité personnelle", disserte sur "ce qui est autorisé et interdit", analyse l'influence des "esprits animaux" chers à Keynes.
Ironie de l'histoire, l'audition se déroule presque simultanément avec celle de Jérôme Cahuzac, à l'Assemblée nationale. Anne Hommel, chargée de la communication de crise des deux hommes, est d'ailleurs assise dans la salle. Un premier pas vers une opération réhabilitation ? Toute similitude avec des événements récents est bien sûr totalement fortuite. "Pardonnez moi d'être brutal. Je suis enregistré, scruté. Je ne veux choquer personne", explique l'ancien député du Val-d'Oise, qui s'interroge sur "l'endroit où il faut faireporter la régulation".
Le mot de la fin semble préparé à la virgule près : "La condition humaine, elle peut faillir ou réussir", lâche DSK après une heure et quart d'audition, avant de remonter jusqu'à sa voiture, encadré par une horde de caméras. Par la cour d'honneur cette fois.