Le plan climat d'Obama va être confronté à des obstacles
Le Monde | 26.06.2013 à 20h56 • Mis à jour le 26.06.2013 à 22h36 | Propos recueillis par Audrey Garric
Ce plan est-il un pas décisif dans la lutte des Etats-Unis contre le changement climatique ?
C'est le plan le plus important proposé par un président américain sur le climat. Barack Obama a exprimé à la fois l'urgence à lutter contre les émissions de dioxyde de carbone (CO2) et celle à se protéger des conséquences du changement climatique. Ce n'est pas un plan idéal, qui aurait requis un Congrès qui veut agir sur le climat avec le président. Mais c'est sans doute le meilleur qu'il peut proposer alors que les républicains du Congrès bloquent toute avancée.
Comment Barack Obama a-t-il contourné cette opposition du Congrès ?
Barack Obama a changé de stratégie. Lors de son premier mandat, il avait proposé un projet de loi, le Cap and Trade Act, instaurant un système de marché d'émissions de gaz à effet de serre, qui aurait débouché sur un plan bien plus ambitieux de réduction des émissions en pénalisant les plus gros pollueurs. Mais le texte a été abandonné en juillet 2010, faute d'avoir été adopté par le Sénat, sous la pression des républicains.
Cette fois, maintenant que l'enjeu des élections est passé, le président a décidé d'utiliser tous les outils à sa disposition et les autorités existantes pour avancer malgré tout sur ce point, comme il l'avait promis lors de son discours sur l'état de l'Union, en février. Il a donc décidé d'utiliser le seul instrument actuellement disponible, la loi sur la pureté de l'air (Clean Air Act), adoptée en 1970 pour lutter contre les polluants atmosphériques traditionnels – comme par exemple le dioxyde de soufre (SO2) –, et dont l'application dépend de l'Agence de protection de l'environnement (EPA).
Depuis une décision de la Cour suprême américaine de 2007, Massachusetts v. EPA, les gaz à effet de serre entrent dans la définition légale des gaz polluant l'atmosphère. L'EPA est donc légalement tenue de limiter leurs émissions. Le président a alors demandé à l'EPA de préparer des normes de pollution pour les centrales électriques en vertu du Clean Air Act, ce qui n'est pas soumis à l'obligation d'une approbation par le Congrès.
Ces limites contraignantes sont-elles une première pour les centrales électriques ?
L'an dernier, l'EPA avait déjà proposé des normes pour limiter la pollution des nouvelles centrales, mais elles n'avaient pas été finalisées. L'agence avait reçu plus de 2 millions de commentaires et estimé que l'approche choisie (le fait de séparer les standards pour les centrales au charbon et pour celles au gaz naturel) n'était pas la bonne. Barack Obama a donc demandé à l'EPA d'édicter de nouvelles normes, d'ici à septembre 2013 et juin 2014, qui s'appliqueront cette fois à toutes les centrales, nouvelles comme existantes. C'est une avancée car les centrales existantes sont responsables d'un tiers des émissions de CO2 des Etats-Unis. Reste à voir en quoi elles consisteront.
Quels sont les obstacles à l'application de ces normes ?
Le calendrier, à savoir la finalisation des normes d'ici à juin 2015, est très, même trop, ambitieux. C'est un sujet complexe techniquement, dans la mesure où le secteur électrique diffère entre chaque Etat. Il y a aussi des obstacles légaux. L'EPA doit en effet s'appuyer sur une loi qui n'a pas été prévue pour lutter contre le CO2. Elle risque donc de rencontrer des difficultés juridiques pour réguler ces émissions. Or, si les normes ne sont pas bien rédigées, cela pourrait ouvrir la voie à des procès de la part d'industriels ou d'Etats.
Il faudra voir si le président continue de défendre l'adoption de ces normes dans les mois à venir, notamment au moment des élections de mi-mandat, en 2014, dans la mesure où les républicains vont très certainement utiliser ce thème pour l'attaquer.
En quoi peuvent consister ces standards ?
L'EPA est contrainte par le type de régulation qu'elle peut proposer : le Clean Air Act ne permet ainsi pas de mettre en place une taxe carbone ou un marché carbone, qui seraient nécessaires pour lutter efficacement contre les émissions de gaz à effet de serre. Elle pourra seulement définir la quantité d'émissions de gaz à effet de serre autorisée pour chaque unité d'énergie produite.
Les industriels auront à leur disposition différents moyens pour y parvenir, tels que gagner en efficacité énergétique ou se convertir à des sources d'énergie moins polluantes – gaz naturel, énergies renouvelables ou nucléaire. A plus long terme, si l'on continue de brûler du charbon, il faudra aussi capturer et stocker du CO2. C'est trop tôt pour savoir si les nouvelles normes vont requérir cette technologie. Il y a peut-être d'autres moyens moins coûteux de réduire les émissions.
Les autres mesures annoncées, comme le plan d'adaptation aux événements climatiques extrêmes, sont-elles suffisantes pour permettre aux Etats-Unis d'éviter de nouvelles catastrophes comme Sandy ?
Non, nous aurons besoin de bien plus que ces promesses. Mais je pense qu'avec le temps, la sensibilisation croissante de la population aux conséquences du changement climatique – du fait des événements climatiques extrêmes – forcera le Congrès à prendre des mesures plus fortes. Il faudra ainsi fixer un prix au carbone – qu'il s'agisse de taxe ou de marché –, afin de forcer les entreprises comme les particuliers à limiter leurs émissions et réduire la demande en énergie.
Ce discours était une étape importante. Mais la vraie question est de savoir si Barack Obama poursuivra dans cette voie et remplira ses engagements. Nous aurons besoin d'un engagement continu du président pour asseoir une crédibilité américaine sur la scène internationale en matière de climat.