Droit et devoir :
Abou Bakr al Baghdadi, le président de l’EI,
pourrait-il un jour être « nobélisé »
ainsi que le fut Yasser Arafat ?
Par Louise Gaggini
Aujourd’hui où l’Occident et une partie du Moyen-Orient conjuguent leurs forces militaires pour éradiquer l’Etat islamique et sa barbarie, cette question ressemble à une mauvaise plaisanterie et une indécence envers les centaines de milliers de personnes que l’EI a fait disparaître. Mais demain ? Qu’en sera t-il demain, lorsque les stratégies géopolitiques et économiques prévaudront, une fois encore, sur l’humain?
Du droit et du devoir : Se défendre, défendre sa vie, celle des siens, de son pays, mais aussi ses coutumes, sa culture, sa langue, ses rites, sa religion, est-ce un droit ou un devoir ? Un droit individuel et grégaire issu de la préhistoire et du clan ou un devoir civique institutionnalisé ?
Dans les conflits et guerres d’aujourd’hui, la confusion est totale entre ce qui serait du droit et du devoir, et les armées adverses deviennent chacune à leur tour, aux yeux de leurs nations respectives, mais aussi avec le temps, à ceux des autres, les figures emblématiques d’une résistance nécessaire et vitale. Noble.
Sans remonter loin dans l’histoire, on a pu voir des terroristes poseurs de bombes et responsables de la mort de civils innocents, comme Yasser Arafat le palestinien, recevoir un prix Nobel de la paix, malgré le terrorisme qu’il avait pratiqué.
Ce qui prévalut alors, fut qu’après être devenu le président de la nouvelle Autorité palestinienne, il participa à diverses négociations de paix et signa les accords d’Oslo avec les Israéliens du camp adverse. Il reçut pour cela en 1994, le Prix Nobel de la Paix, en compagnie de Shimon Peres et Yitzhak Rabin.
Le terrorisme dont il se rendit coupable fut oublié et ne furent retenu que deux choses : la première, que le terrorisme qu'il avait utilisé n'avait été pratiqué que pour le bien de la Palestine, nécessaire donc, défensif et de survie. La seconde fut sa participation à l’émergence d’une nouvelle Autorité palestinienne et son rôle dans l’accord de paix signé entre Israël et la Palestine.
Aujourd’hui le Hamas, El Qaida et quelques autres factions islamistes, pratiquent un terrorisme sanguinaire en avançant des idées de croisés désireux de détruire les infidèles et d’imposer un islam fondamentaliste comme religion unique aux hommes.
Daesh lui, a constitué et imposé un état : l’Etat islamique, de façon à donner une assise à son mouvement. C’est plus facile, mais aussi plus complexe de détruire une nation organisée, que des groupes disséminés et dispersés.
Peut-on imaginer que dans quelques années, si Daesh n’a pas été éradiqué entretemps, s’élèveront des voix pour défendre ses convictions et l’idée d’un Etat et d'un Islam fondamentalistes, qu’une communication maîtrisée pourrait faire apparaître fédérateurs ?Comme un droit aussi pour un monde arabomusulman que les Occidentaux ont tant humilié dans l’histoire ?
Un autre « BDS » pourrait-il exister pour l’EI, et peu à peu par manipulations faire intégrer ses marqueurs jusqu’aux organismes internationaux, jusqu’à l’ONU, jusqu’aux populations occidentales et démocratiques, qui pourraient par souci d’une justice dont ont leur aurait parfaitement vendu la nécessité, épouser alors une cause devenue à son tour, internationale ?
Actuellement évidemment cette vision paraît parfaitement impossible, mais demain ? Tant de liens d’intérêts stratégiques, géopolitiques et économiques lient actuellement des nations ennemies.
La France a reçu récemment Hassan Rohani, le président de l’Iran, où les droits de l’homme sont loin d’être respectés, et tisse des amitiés avec l’Arabie Saoudite et le Qatar, qui décapitent, fouettent, emprisonnent ceux qui dérogent aux règles monarchiques et religieuses.
Alors, même si en Occident la démocratie et les droits de l’homme tendent à vouloir régler les conflits dans le respect de l’humain et sa dignité, il semble que les droits et les devoirs des uns et des autres soient interchangeables selon les politiques du moment et leurs intérêts économiques.
Qu’il est peut être nécessaire, au vu de ces fluctuations stratégiques, de se poser quand même la question : Abou Bakr al-Baghdadi, le président de l’EI, pourrait-il un jour être reconnu comme un juste défenseur des convictions et nécessités des siens ? Et pourrions-nous oublier, nous, la barbarie dont il aura ensanglanté le monde au nom de sa religion ?
Pour quelques milliards de dollars de plus, qui sait de quoi nos dirigeants et nous mêmes serions capables…
LG