Hypatie
Philosophe alexandrine de
l’Antiquité tardive
370-415
Hypatie, belle figure de femme qui se veut l’égale des hommes et enseigne la philosophie et les sciences en faisant face à la violence fanatique et à l’obscurantisme des chrétiens d’Alexandrie, pendant l’Antiquité. Elle est érigée en figure de la laïcité.
(Portrait libre d'Hypatie d'Alexandrie)
Hypatie d'Alexandrie est une mathématicienne et une philosophe Grecque.
Quand j’ai vu le film d’Alejandro Amenábar – Agora – une coproduction américaine et espagnole, tournée à Malte, je suis tombée sous le charme d’Hypatie d’Alexandrie, incarnée brillamment par Rachel Weisz. Il n’existe pratiquement aucune trace écrite de cette mathématicienne et astronome de lignée grecque, pénétrée de néo-platonisme proche de Porphyre. Ce film est une adaptation assez libre de sa vie, la présentant comme une martyre de la Science, voire de l'athéisme, une sorte de Galilée au féminin des temps anciens. «Occultée par l'histoire occidentale, muse austère de la science antique, Hypatie n'en reste pas moins une Dame inspiratrice, elle a souvent de ce fait été invoquée, par inversion intempestive de langage, comme "martyre païenne", comme si sa mort symbolisait aussi celle de l'Antiquité tardive, » dit John Thorp (University of Western Ontario) lors du congrès de la Fédération des Sciences Humaines et Sociales, organisé par l'Association canadienne de philosophie à l'Université de Manitoba, Winnipeg, 30 mai 2004. Pour lui, elle qui était charismatique, c’était l'héroïne idéale. «Elle fut au centre d'un jeu compliqué de tensions politiques et religieuses», expose-t-il. Il ajoute : «Déjà dans l'antiquité tardive elle était une héroïne païenne pour avoir été massacrée par les chrétiens, ou encore une héroïne des ariens pour avoir été massacrée par les orthodoxes, ou encore une héroïne des chrétiens de Constantinople pour avoir été massacrée par les chrétiens intempérants d'Alexandrie. Plus récemment elle s'est vue traiter d’héroïne anticléricale, victime de la hiérarchie ; héroïne protestante, victime de l'église catholique ; héroïne du romantisme hellénisant, victime de l'abandon par l'Occident de sa culture hellénique; héroïne du positivisme, victime de la conquête de la science par la religion; et tout dernièrement, héroïne du féminisme, victime de la misogynie chrétienne. Femme polyvalente!»
Et de nous faire le portrait de cette figure restée fidèle aux Dieux dans la tourmente d'une époque propice à tous les prosélytismes et reniements : «Hypatie, notre sœur rêvée...»
Son père fut le dernier directeur du Musée d’Alexandrie. C’était un éditeur et commentateur de textes mathématiques. Il éduqua sa fille en l'initiant aux mathématiques et à la philosophie. On pense qu’elle a pu diriger l’école néoplatonicienne d’Alexandrie.
Selo, les historiens Michel Tardieu et Pierre Chuvin (voir Wikipédia), nous avons une « image tripartite de la philosophie hypatienne » : philosophie générale, sciences et vertu pratique.
- 1.Philosophie générale
- 2.: Hypatie connaît les mathématiques, l'astronomie.
- 3.Vertu pratique
Hypatie étudie à Athènes. Outres les sciences, la philosophie et l’éloquence, elle travaille dans le domaine de l’astronomie et écrit des commentaires sur L'Arithmétique de Diophante, les Coniques d’Apolloniius de Perga et Les Tables de Ptolémée.
Aucun de ses exposés publics, où elle soutient les thèses néoplatoniciennes (sans l'influence de Plotin) ne nous est parvenu, principalement à cause de l'incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie (détruite au plus tard en l'an 642, la plus célèbre bibliothèque de l'Antiquité).
Synésios de Cyrène, un de ses élèves (avant 395), qui était aussi son ami et qui devint évêque, la loue dans ses lettres (en 404-407) pour sa grâce (très belle, elle reste vierge d'après la légende) et lui demande des conseils pour construire un hydromètre, un astrolabe ou pour tracer des cartes géographiques. Il lui a écrit : «C'est pour toi seule que je négligerais ma patrie ; et si jamais je puis la quitter, ce ne sera que pour venir auprès de toi»; ou encore: «Quand bien même nul souvenir ne resterait aux morts dans les enfers, moi je m'y souviendrais de ma chère Hypatie» (Lettre 24). Dans une lettre à son père, il dit d'elle: « La philosophe si chère à Dieu et que nous ne saurions trop vénérer » (Lettre 17).
L'historien chrétien Socrate le Scolastique rapporte dans son Histoire ecclésiastique (vers 440): «Il y avait à Alexandrie une femme du nom d’Hypatie ; c’était la fille du philosophe Théon ; elle était parvenue à un tel degré de culture qu’elle surpassait sur ce point les philosophes, qu’elle prit la succession de l’école platonicienne à la suite de Plotin, et qu’elle dispensait toutes les connaissances philosophiques à qui voulait ; c’est pourquoi ceux qui, partout, voulaient faire de la philosophie, accouraient auprès d’elle. La fière franchise qu’elle avait en outre du fait de son éducation faisait qu’elle affrontait en face à face avec sang-froid même les gouvernants. Et elle n’avait pas la moindre honte à se trouver au milieu des hommes ; car du fait de sa maîtrise supérieure, c’étaient plutôt eux qui étaient saisis de honte et de crainte face à elle.»
L'assassinat d'Hypatie
Hypatia, par Charles Willilam Mitchell, 1885, Laing Art Gallery (Newcastle upon Tyne)
En mars 415, à 45 ans, elle meurt lapidée par des chrétiens. Selon la thèse de Socrate le Scolastique (vers 440), ceux-ci lui reprochaient d'empêcher la réconciliation entre le patriarche Cyrille d’Alexandrie et le préfet romain Oreste, à la suite de conflits sanglants entre diverses communautés religieuses d'Alexandrie. Selon la thèse du philosophe néoplatonicien Damascios (en 495), l'évêque aurait découvert par hasard, en passant devant chez Hypatie et en voyant la foule qui s'y pressait, la popularité de la philosophe. Toujours est-il qu'elle est arrachée à sa voiture, entraînée dans une église, siège patriarcal, appelée le Cæsareum quand l'édifice était le centre du culte impérial à Alexandrie. Hypatie est déshabillée, tuée à coups de tessons, mise en pièces. Ses restes sont promenés par les rues et brûlés.
D'après Jean de Nikiouo (Nicée), au VIIe siècle :
«En ces temps apparut une femme philosophe, une païenne nommée Hypatie, et elle se consacrait à plein temps à la magie [théurgie, selon Michel Tardieu], aux astrolabes et aux instruments de musique, et elle ensorcela beaucoup de gens par ses dons sataniques. Et le gouverneur de la cité l'honorait excessivement ; en effet, elle l'avait ensorcelé par sa magie. Et il cessa d'aller à l'église comme c'était son habitude… Une multitude de croyants s'assembla guidée par Pierre le magistrat — lequel était sous tous aspects un parfait croyant en Jésus-Christ — et ils entreprirent de trouver cette femme païenne qui avait ensorcelé le peuple de la cité et le préfet par ses sortilèges. Et quand ils apprirent où elle était, ils la trouvèrent assise et l'ayant arrachée à son siège, ils la trainèrent jusqu'à la grande église appelée Césarion. On était dans les jours de jeûne. Et ils déchirèrent ses vêtements et la firent traîner (derrière un char) dans les rues de la ville jusqu'à ce qu'elle mourût. Et ils la transportèrent à un endroit nommé Cinaron où ils brûlèrent son corps. Et tous les gens autour du patriarche Cyrille l'appelèrent « le nouveau Théophile », car il avait détruit les derniers restes d'idolâtrie dans la cité.»
Un livre italien, d'Elena Gajeri, portant le titre Ipazia, un mito letterario – « Hypatie, un mythe littéraire » suggère qu'Hypatie, telle que nous la connaissons, est une construction de l'imaginaire plutôt qu'une réalité de l'histoire.
Wikipedia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Hypatie)
http://vouloir.hautetfort.com/archive/2010/01/14/hypathia.html
Dors, ô blanche victime en notre âme profonde,
Dans ton linceul de vierge et ceinte de lotos ;
Dors! l'impure laideur est la reine du monde
Et nous avons perdu le chemin de Paros (…)
Demain, dans mille années,
Dans vingt siècles, — qu'importe au cours des destinées —
L'homme étouffé par vous se dressera (…)
Votre œuvre ira dormir dans l'ombre irrévocable.
Leconte de Lisle (Hypathie et Cyrille, 1885)