Les troupes françaises se déplacent vers le Nord tandis que les rebelles se retranchent
Par Lucie
En temps de guerre, l'information est souvent de meilleure qualité chez ceux qui ne prennent pas part au conflit. Voici l'article du New York Times du 16 janvier :
"BAMAKO, Mali - Après les féroces bombardements de l'armée française, les insurgés islamistes au Mali se préparent à faire face aux forces terrestres françaises se déplaçant vers le nord ce mercredi dans une phalange de véhicules blindés, et préparées pour le combat dans les heures qui viennent."
Alors que les forces françaises étaient déployées mercredi après une accumulation rapide de troupes et de matériel, le Ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian prévoit une campagne prolongée afin de repousser l'avancée vers le sud des rebelles depuis leurs bases dans le nord désertique du pays :
«Nous sommes dans une meilleure position que la semaine dernière, mais le combat continue et il sera long, je pense, a déclaré le ministre à la radio RTL. Aujourd'hui, les forces terrestres sont en train de se déployer, maintenant, les forces françaises atteignent le nord."
L'amiral Edouard Guillaud, le chef d'état-major a déclaré à Europe 1 que les opérations au sol ont commencé dans la nuit : "Maintenant, nous sommes sur le terrain, nous serons dans le combat au corps à corps dans quelques heures."
Alors même qu'arrivent des renforts de France et d'autres régions d'Afrique, l'amiral Guillaud a refusé de donner des détails précis sur le calendrier des batailles probables : "Je ne peux pas dire si ce sera une heure ou 72 heures"
et rajoute "que les troupes françaises sont familières avec les conflits de type guérilla, auxquels elles sont habituées dans ce genre de région."
Il a accusé les djihadistes d'utiliser les civils comme boucliers humains et a dit: «" Nous refusons de mettre la population en danger. En cas de doute, nous ne tirerons pas. Dans les dernières frappes aériennes, les avions et les hélicoptères ont attaqué des véhicules blindés que les insurgés avaient pris aux forces gouvernementales. A Paris, le président François Hollande a déclaré mercredi qu'il avait pris la décision d'intervenir parce que c'était nécessaire. S'il ne l'avait pas fait, il aurait été «trop tard. Le Mali aurait été entièrement conquis et q les terroristes auraient été dans une position de force."
Six jours après que les frappes aériennes françaises aient partiellement stoppé l'avance des insurgés en direction de Bamako, des témoins maliens rapportent que les insurgés se sont implantés au sein de la population de la ville de Diabaly, s'installant dans les maisons en briques de terre situées dans la zone de combat et contrecarrant ainsi les attaques des avions de combat qui cherchaient à les déloger mardi.
«Ils sont dans la ville, pratiquement partout dans la ville", a déclaré Bekaye Diarra, qui est propriétaire de la pharmacie dans Diabaly, qui est restée sous le contrôle des insurgés. «Ils sont en train de s'installer."
Benco Ba, un adjoint parlementaire de Diabaly, décrit les habitants vivant dans la peur du conflit qui s'est abattu sur eux:
«Les djihadistes vont directement dans les familles des gens. Ils ont complètement occupé la ville. Ils sont dispersés. C'est la peur, alors qu'il est devenu clair que les frappes aériennes ne seront probablement pas suffisantes pour éradiquer ces insurgés aguerris, qui connaissent bien la dure prairie et le terrain désertique du Mali."
Contenir l'avance des rebelles vers le sud et Bamako, la capitale, se révèle plus difficile que prévu reconnaissent des responsables militaires français. Et avec l'armée malienne en plein désarroi et aucune force extérieure africaine encore assemblée, déloger les rebelles du pays semble un défi difficile et à long terme.
Les djihadistes sont "retranchés à Diabaly" a déclaré M. Le Drian mardi lors d'une conférence de presse. De cette ville stratégique, ils «menacent le sud" ajoutant: "Nous faisons face à un adversaire bien armé et déterminé"
M. Le Drian a également reconnu que l'armée malienne n'avait pas réussi à reprendre la ville de Konna, dont la saisie par les rebelles il y a une semaine a provoqué l'intervention française : «Nous allons continuer les frappes afin de diminuer leur potentiel» a déclaré le ministre.
Utilisant des avions de chasse et des hélicoptères militaires sophistiqués, la campagne française a contraint les islamistes d'importantes villes du Nord comme Gao et Douentza à s'enfuir. Mais les habitants disent que bien que les insurgés ont subi des pertes, beaucoup d'entre eux se sont tout simplement retranchés dans la brousse toute proche.
"Les bombardements vont les affaiblir, et ils vont stopper leur avance", a déclaré Djallil Lounnas, un expert de la région à l'Université de Montréal, qui a beaucoup écrit sur Al-Qaïda au Maghreb islamique, l'un des principaux groupes extrémistes dans le nord du Mali « Mais dès que les bombardements cesseront, ils reviendront. Depuis que le bombardement français a commencé la situation a un peu changé, mais pas fondamentalement."
D'autres analystes ont déclaré que si chasser les insurgés hors des villes était réalisable, les éliminer complètement exigerait des efforts supplémentaires considérables.
"Vous ne pouvez pas lancer une guerre d'extermination contre un adversaire très tenace et très mobile», a déclaré le colonel Michel Goya de l'Institut de recherche stratégique de l'Académie militaire française. Nous sommes dans une situation classique de contre insurrection. Ils sont bien armés, mais les armes ne sont pas sophistiquées. Quelques milliers d' hommes, très mobiles. "
Un habitant de Gao qui a accompagné les combattants islamistes dans une cachette dans le désert ces derniers mois décrit un vaste système de grottes souterraines assez grandes pour y conduire en voitures a déclaré Corinne Dufka, chercheuse principale à Human Rights Watch : "Environ 100 combattants islamistes, dont de nombreux étrangers qui parlent l'arabe, s'étaient rassemblés à l'intérieur, avec des stocks d'armes, des véhicules, des générateurs et des dizaines de barils d'essence d'après le résident . Le bunker était bien camouflé, presque invisible des routes accidentées, et a longtemps été utilisé par des bandits de la région. Mais les islamistes ont élargis les tunnels et, avant même le début de la campagne française, avait recruté dans les villes du Nord."
Tout en frappant les islamistes depuis les airs, la France a constitué ses forces sur le terrain: plus de 200 soldats et 60 véhicules blindés sont arrivés dans la nuit de mardi en provenance de Côte-d'Ivoire, portant le total à près de 800 soldats. Le ministère de la Défense français a déclaré que la force allait bientôt atteindre 2500 hommes, autant que le déploiement en Afghanistan à son plus haut. Mardi soir un convoi français se dirigeait au nord de Bamako, un porte-parole militaire a refusé de révéler sa destination.
France est l'ancienne puissance coloniale au Mali et M. Le Drian, le ministre de la Défense, a déclaré qu'il est intervenu pour empêcher l'effondrement possible du gouvernement du Mali et "l'établissement d'un Etat terroriste à portée de l'Europe et de la France."
La mission française vise à soutenir une force africaine qui est encore en cours d'assemblage et dont les responsables français assurent qu'elle pourrait commencer à se déployer dans une semaine au plus tôt. Les Etats-Unis ont également apporté un soutien à la mission française.
Le ministre américain de la Défense Leon E. Panetta en voyage en Espagne a déclaré que la France fait face à une tâche difficile face aux extrémistes et que le Pentagone est en contact avec les Français afin d'apporter une aide si nécessaire.
Les implications du déploiement français et de la prise de contrôle islamiste de Diabaly, à seulement 350 km de la capitale - semble claires: traquer les quelques milliers d'insurgés, ce pourrait bien être une corvée de longue durée.
Les islamistes sont bien armés, avec des AK-47, des lance-roquettes et des mitrailleuses lourdes montées sur des véhicules, ainsi que des transports de troupes blindés saisis l'année dernière à l'armée malienne.
Un ancien captif d'Al-Qaïda au Maghreb islamique au Mali, le diplomate canadien Robert Fowler, décrit une bande d'hommes très en formes, aptes à charger rapidement des armes lourdes sur les camions. M. Fowler a écrit dans ses mémoires qu'un de leurs chefs escorte les demi-douzaines de jeunes sur des missions de formation, et qu'ils s'entrainent en petites unités tactiques, glissant entre les rochers et les dunes pendant des heures dans le soleil brûlant. "
«Ils montaient et descendaient des montagnes et faisaient des gardes au moins deux fois par jour, en plus d'effectuer leurs tâches diverses et de partir en mission."
Dans les premiers affrontements, selon des autorités alliées, les frappes aériennes françaises ont infligé de lourdes pertes sur des colonnes islamistes qui pouvaient être facilement identifiées et ont bombardées à mesure qu'ils avançaient sur les routes. Cela a conduit à des évaluations optimistes de la déroute des djihadistes.
Mais un porte-parole militaire de l'opération française au Mali a déclaré mardi que les islamistes avaient pris plus de territoire depuis que le raid aérien français a commencé parce que les combattants se mélangentt avec la population et qu'il est difficile de bombarder sans causer de victimes civiles.
«Il est vraiment trop tôt pour dire comment ce combat va tourner", a déclaré un responsable américain qui suit de la bataille de loin.
Par : Adam Nossiter de Bamako, au Mali, Eric Schmitt de Washington, et Alan Cowell de Paris. Steven Erlanger et Scott Sayare contribués de Paris, et Elisabeth Bumiller de Madrid.
Lucie