Complicité entre patrons du Cac40, médias et politiques? Pour quelques millions de plus…
Par Pauline Ebrart
Après « Les médias vous siphonnent la cervelle, mais vous n’êtes pas obligés de vous laisser faire », publié il y a plusieurs mois ici-même, voici dans le même registre d’interpellation et de réflexion, le film de Yannick Kéroual : « Les nouveaux chiens de garde». Le film pointe et démonte sans démagogie et avec humour, les mécanismes de coalition, les complicités et les intérêts qui lient les grands patrons du Cac 40 à l’ensemble des journalistes, éditorialistes, économistes et experts en tout genre qui aujourd’hui tiennent, grâce à ces patrons propriétaires de tous les médias (entre autres propriétés) l’ensemble de la communication nationale.
Télévision, radios, presse, éditions, plus rien n’échappe au contrôle des grosses entreprises du Cac 40, qui maîtrisent et mettent en place leurs propres contradicteurs, leurs candides destinés à donner l’impression aux auditeurs et aux lecteurs que la liberté d’expression existe avec celle de penser, et qu’évidemment la sincérité et l’honnêteté intellectuelle et civique règne sur les plateaux de leurs émissions, dans les studios de leurs radios ou dans leurs journaux.
Des émissions de télévision bâties sur le mode qu’Alain Pierrefitte avait imaginé dans les années 60 : un présentateur et des « experts » pour expliquer les grands problèmes d’un monde dont il anticipait le mouvement, la rapidité et la globalisation.
Mais, A. Pierrefitte n’avait pas anticipé de l’avidité et la soif de puissance que l’argent décuple et perverti dans ceux qui, par héritage le plus souvent, ont entre leurs mains trop de finances et de pouvoir. Ni d’ailleurs les désirs mégalomaniaques qui dans des pulsions délirantes leur donnent à croire qu’ils peuvent s’approprier le monde et le gérer selon leurs besoins, leurs envies et leurs nécessités, au point d’avoir par intérêts liés participés à la crise financière, économique et sociale qui aujourd’hui bouleverse la planète.
Qui peut croire que seuls les Américains ont joué aux apprentis sorciers avec le monde, quand toute la finance du monde, ce qu’on appelle les marchés financiers, appartient à une toute petite oligarchie, un microcosme puissant par l’argent qu’il possède, plus de milliards qu’il n’en faudrait pour supprimer la totalité des famines et des détresses d’une planète en souffrance, mais indigent par le cœur dont il n’a que faire, qui vraiment peut encore croire ça ? Que tout serait venu de la seule Amérique, alors que la finance est imbriquée en elle-même comme la toile d’un araignée.
Mais, en plus de faire avaler par le biais de leurs enseignes d’hypermarchés populaires (ou de luxe), des aliments shootés aux addictifs et autres paraben, graisses et pétroles à peine modifiés, inducteurs de cancers et toutes sortes de maladies chroniques et souvent mortelles dans la population dont ils sabrent la santé avec l’alibi sans complexe du « moins cher », ce qui pour les « descamisados » ceux qui ont peu ou pas, ces travailleurs à perte, exploités ainsi que des vaches à lait et pour qui la fin du mois commence le 4 du mois, est hélas incontournable, les patrons des entreprises du Cac 40, intégristes aussi fous que les fondamentalistes religieux tant leur adoration du veau d’or est de l’idolâtrie fanatique, ont construit avec les politiques, de gauche comme de droite, et surtout avec ceux qui avaient le devoir par fonction de transmettre l’information ou les informations, des liens étroits et amicaux, conjugaux même, des liens où l’argent et la reconnaissance, les privilèges sont le dénominateur commun.
Où plus rien de l’éthique, dont pourtant ils utilisent le mot, constamment juxtaposé à une prise de parole contradictoire pour cautionner leurs émissions dévoyées, ne vient tempérer leur appétence pour la gloire, réguler leurs dynamiques courtisanes.
« Le pouvoir doit s’exercer » dit un journaliste interrogé dans le film de Yannik Keroual, pour souligner cet état de fait et de situation.
Alors le pouvoir s’exerce.
Et pour l’aider dans son application, chaque dernier mercredi de chaque mois, politiques nécessiteux d’argent et d’espace médiatique pour leurs élections, animateurs de télévision de radio ou de presse désireux de faire carrière et d’avoir beaucoup d’argent, économistes réputés et experts en tout et n’importe, se réunissent dans un grand hôtel Parisien, place de la Concorde, dans une communauté bienheureusement nommée « Le cercle »
Ils y retrouvent leurs patrons directs, les fameux du Cac 40, ainsi que les représentants politiques avec lesquels ils tissent les grandes lignes des prochaines émissions ou des futurs discours destinés à manipuler l’esprit des Français.
Mêmes écoles et mêmes milieux, mêmes ambitions surtout, ils s’acoquinent et se marient entre eux, conjuguant leurs forces pour une efficacité maximum.
Evidemment le coût à payer pour les journalistes et employés divers des patrons du Cac 40, est la soumission absolue.
Ainsi que le relève « Les nouveaux chiens de garde » le système récupère les individus ou les rejettent, selon qu’ils obéissent ou pas aux directives »
Malgré tout, si ce vilain monde dépravé, bien que montré pour beau dans les médias qu’ils accaparent au nom de la finance, ne sévissaient que sur des médias privés, cela serait un moindre mal, mais lorsqu’il sévit sur les chaînes publiques pour lesquelles les Français payent une redevance, c’est d’une indécence absolue. Une tromperie sans nom.
Parce que, comment nommer l’attitude de Michel Drucker lorsqu’il invite dans son émission « Vivement Dimanche » sur France 2, chaîne publique par excellence, Arnaud Lagardère son patron sur Europe 1, et Elkabbach employé aussi de Lagardère, et qu’au cours de cette émission dominicale, c’est à celui des deux qui flattera le plus « le génie, l’intelligence et l’aptitude à la stratégie » d’Arnaud Lagardère, souriant, épanoui et heureux en son pouvoir sur le divan de l’émission ?
Molière et De La Fontaine, Freud ou d’autres auraient trouvé des formulations cinglantes et drôles.
Comme moi je ne trouve pas ça drôle, mais au contraire misérable et en dessous de ce qui fait l’honneur de l’homme, sa dignité et son identité, je dirais très prosaïquement que cela s’appelle juste « du lèche bottes et du cirage de pompes».
Des trucs que font les « sans vergogne et sans honte », volontairement ramassés au ras du sol, dans des gestes de soumission que les détenteurs de pouvoirs réclament pour bien montrer qu’ils sont les maîtres.
Les prestations de certains de ces animateurs, journalistes ou présentateurs d’émissions sont tellement « pédagogiques » comme celles d’Yves Calvi ou E.Plenel, qu’on serait tenté d’y croire, si la caméra ne venait nous montrer inopinément leur arrivée au « Cercle ». Et ceux qu’on imaginait indépendants, un peu indépendants, se congratulent, s’embrassent, échangent, discutent, mettent en forme ce qui serait bien de dire ou faire passer, en force ou en douceur, tandis que les représentants des grosses multinationales tirent les ficelles, soumettent, récupèrent et placent aux endroits stratégiques, toute personne capable de servir leur capital et le capital en général. Et ça marche puisque les résistants sont rejetés alors que les corrompus et les serviles sont gratifiés d’honneurs et de privilèges, de carrières éblouissantes, d’argent.
Heureusement dans ces arcanes du pouvoir où s’épanouissent les « sans foi ni loi » qui confirment que l’homme est toujours un loup pour l’homme et l’humanité préhistorique, émergent par-ci et par-là, des pensées, des idées différentes, d’autres façon de procéder et des individus comme Hélène Risser, Fréderic Taddeï, Daniel Schneidermann, et quelques autres aussi parmi lesquels je me compte, encore libres semble-t-il…
Des paroles s’ébauchent, des balbutiements encore, mais qui déjà questionnent sur ces fameux « experts » grassement payés qui flirtent avec le pouvoir, sans avoir pourtant jamais rien dit ou imaginé qui se soit avéré. Ni les crises passées ni celles à venir dont ils ne parviennent pas à savoir de quoi elles seront faites. Normal, ce ne sont que des hommes, et au fond nous pourrions les comprendre s’ils n’étaient pas si empli de suffisance et porteurs d’une parole dite d’évangile que les journalistes sous tutelle du Cac 40 s’empressent de transmettre, de reproduire, de décortiquée, de dupliquée et d’agrandir dans un mouvement ininterrompu et toxique sur tous les médias et outils de communication.
C’est d’ailleurs assez comique de zapper d’une chaîne à une autre et de voir en « direct différé » les mêmes experts, dirent les mêmes choses, avec les mêmes mots, à des journalistes qui leur posent exactement les mêmes questions.
Enfin, si ce n’était si triste…
P.E.
Bande annonce du film de Yannik Keroual
« Les nouveaux chiens de garde »