Travail du dimanche: les revendications des salariés évoluent
Alors que la question de l’assouplissement du droit du travail continue de diviser les politiques, les salariés sont toujours plus nombreux à réclamer davantage de liberté dans le choix de leurs horaires et jours de travail. Et ils ne seraient pas les seuls à y trouver leur compte.
Des salariés dubitatifs face au débat acharné entre les patrons et les syndicats sur l’organisation du temps de travail
La crise que nous traversons aura mis sur le devant de la scène la question de l’assouplissement des conditions et modalités pratiques d’emploi des salariés. Celle-ci a récemment été le fil rouge d’un compromis historique qu’il convient désormais de traduire sur le plan législatif. Mais l’accord sur la sécurisation pour l’emploi, signé le 11 janvier 2013, cinq ans (jour pour jour) après la signature de l’ANI (accord national interprofessionnel) sur la modernisation du marché du travail du 11 janvier 2008 n’est qu’une étape vers plus de souplesse. Des voix se font déjà entendre pour que soit révisée la question du temps de travail, des horaires ou le travail dominical. Témoins silencieux d’un débat acharné entre patrons et syndicats, les salariés refusent d’être les otages d’un camp et aspirent à plus de liberté dans le déroulé de leur vie professionnelle. Les salariés ne veulent pas être les otages de patrons mus uniquement par des logiques de profit ni par des syndicats héritiers de logiques dogmatiques d’un autre siècle.
Un bel exemple : pour ou contre le travail du dimanche ?
La question du travail dominical, récemment posée dans le cadre de l’affaire Bricorama, est illustrative des malentendus qui peuvent exister entre syndicats et salariés et qui méritent aujourd’hui d’être levés. Ainsi des 100aines de salariés ont manifesté contre…leur syndicat ! Cette situation ubuesque est symptomatique des efforts à réaliser pour qu’émerge dans notre pays un dialogue social digne de ce nom. Face à cela, il y a des patrons prêts à exploiter toutes les brèches pour gagner toujours plus au détriment des salariés. En période de crise nous ne pouvons plus nous permettre ces débats stériles. Au 21e siècle la vie ne s’arrête plus le dimanche ni le soir : si quelqu’un veut faire des courses, il peut aller sur Internet n’importe quand alors que les boutiques virtuelles détruisent des emplois. Les hommes et les femmes du 21e siècle sont désormais habitués à faire les choses quand ils le souhaitent.
Est ce un bien ou un mal ? C’est en tout cas une réalité. D’ailleurs selon l’INSEE, le travail du dimanche est un fait qui se développe inexorablement. Ainsi en vingt ans le nombre de salariés exerçant une activité le dimanche a augmenté de près de 50%, et en 2011, cela concernait 30% du total des salariés : 6,5 millions d’entre eux déclaraient alors avoir travaillé le dimanche, et, pour près de la moitié de ces derniers, de manière régulière. Cette réalité accompagne une autre réalité sociologique : Les modes de consommation des Français changent, mais leur manière d’envisager les modalités de leur emploi aussi. S’occuper des questions administratives, aller chez le médecin, faire garder ses enfants ou tout simplement profiter de son temps libre en pleine semaine peut relever d’un choix personnel de confort.
De dérogation en dérogation, le travail du dimanche devient une réalité
Le code du travail prévoit déjà plusieurs cas de dérogations au repos dominical : les dérogations permanentes, conventionnelles, et soumises à autorisation. Le premier cas concerne les entreprises ou les artisans, qui ont des contraintes de production pour répondre à un besoin du public : hôtellerie, boulangeries, restaurants, les arts et spectacles, la presse… Les dérogations conventionnelles sont, elles, issues d’un accord collectif entre patronat et représentants des salariés, dans le cas par exemple d’une industrie ayant des impératifs économiques de production continue. Le dernier cas concerne les dérogations accordées par un maire ou un préfet, de manière permanente ou temporaire. Cela inclut notamment les cinq jours d’ouverture dominicale autorisés par an, dont le choix est à la discrétion des élus communaux.
La loi Mallié de 2009 a élargi le périmètre des dérogations soumises à autorisation par la création des « communes ou zones d’intérêt touristique » et par celle des « Périmètres d’Usage de Consommation Exceptionnel » (PUCE), englobant les grandes villes comme Paris, Marseille ou encore Lille.
Ce millefeuille législatif engendre des situations inéquitables et absurdes. L’ensemble de ces dispositions est encore jugé trop complexe, à la fois par des salariés souhaitant disposer de leur dimanche comme ils l’entendent, et par des entrepreneurs soucieux de développer leur activité dans des créneaux horaires déjà occupés par la concurrence. Au lieu de simplifier le principe des dérogations en l’élargissant, cette loi a achevé de brouiller les esprits.
Des voix s’élèvent désormais pour une remise à plat complète de la réglementation en vigueur, avec en arrière–pensée une attention toute particulière pour les dérogations conventionnelles beaucoup plus souples par nature. Celles-ci présentent l’avantage d’offrir aux salariés des contreparties financières intéressantes. D’après une étude du Centre de Recherche pour l’Étude et l’Observation des Conditions de Vie (CREDOC) de novembre 2008, près de 40% des salariés se disent prêt à travailler le dimanche (et jusqu’à 60% des demandeurs d’un premier emploi) dans la mesure où il existe des compensations salariales. Certaines personnes peuvent aussi choisir de chômer un autre jour de la semaine que le dimanche.
Plus de souplesse dans l’organisation du travail n’est pas synonyme de libéralisation à outrance ni de précarisation si les syndicats acceptent de jouer leur rôle en dépassant certains réflexes idéologiques. Il ne fait aucun doute que les représentants des salariés auront un rôle clé à jouer dans la surveillance de ce processus et l’obtention de contreparties nécessaires à un assouplissement du code du travail. Les organisations syndicales sont face à un défi, intégrer l’évolution des modes de vie dans leurs revendications, qui sonne comme une opportunité : Celle de renforcer leur légitimé et de s’imposer à nouveau comme les interlocuteurs dont les salariés ont besoin pour défendre leur droit à plus de liberté.