Le bonheur est-il un long fleuve tranquille ?
1 mariage sur 3 en France et 1 sur 2 à Paris se concluent par un divorce. Si j'en crois mon entourage c'est l'absence de pression sociale et le consumérisme qui en seraient les causes. «Mais ma bonne dame, aujourd'hui les gens se marient comme ont fait du shopping, si c'est cassé on jette et on rachète plutôt que de réparer, y a plus de valeurs, la religion avait du bon. Et les mariages arrangés aussi d'ailleurs...».
C'est peut-être vrai; mais peut-être n'est-ce que la pointe émergée de l'iceberg. Pensez-y, dans cette statistique sont inclus les remariages.
L'expérience d'un divorce, en général douloureuse émotionnellement et financièrement, ne devrait-elle pas nous apprendre qu'un peu de travail sur nos relations nous rendra plus heureux qu'une longue et laborieuse séparation ? Apparemment pas. Si on met de côté les cas extrêmes (de violences conjugales par exemple), les raisons évoquées pour expliquer une séparation sont remarquablement homogènes: «Il/elle a changé, nous avons pris des chemins différents, si j'avais su qu'il/elle était comme ça (colérique, tyrannique, sans ambition, critique....rayer la ou les mentions inutiles)».
Or ces raisons sont invoquées lors de la première rupture, mais aussi lors de celles qui suivent. Votre second conjoint par exemple, celui dont vous pensez à vous séparer actuellement, lui, (elle), non plus vous n'aviez pas remarqué ? Florilèges : « Je te croyais différent mais t'es bien comme mon ex ! Vous les hommes (les femmes) vous êtes tous pareils !».
Si effectivement il est plus facile de divorcer aujourd’hui qu’il y a quelques décennies, personne ne divorce parce que « c’est facile ». On divorce parce qu’on n’est pas heureux en ménage. Mais si plus d’un mariage sur trois se termine en divorce, et j’insiste cela inclut les remariages, cela implique qu’une large partie de la population choisit comme conjoint quelqu’un qui va la rendre malheureuse. Et visiblement sans que l’expérience y change grand-chose.
Et même plus, on choisit des êtres qui se ressemblent. Ceux et celles qui nous attirent, dont nous tombons follement amoureux, possèdent presque toujours des traits similaires. Ce nouvel homme de votre vie est terriblement intelligent, son esprit est aigu et incisif. Comme votre ex. Non en fait, il est plus intelligent, car « Lui » le nouveau, la perle que vous avez déniché, n'est pas critique de tout et tout le temps. Vous croyez ? Donnez-lui quelques années et on en reparle.
Ce n’est pas qu’il va changer, c’est votre regard sur lui qui va se modifier. Passés les effets des hormones, vous allez vous apercevoir, encore une fois, comme avec votre ex, que la qualité et le défaut ne sont que deux aspects d’un même trait de caractère.
Perso, j'aime les hommes très sûrs d'eux et en contrôle de leur vie. Pour moi ils sont irrésistibles. Je sais pourtant que cela m'amène à vivre avec des tyrans à l'égo surdimensionné, et maniaque du contrôle en plus. Ce qui n'est vraiment pas facile tous les jours. Et puisque nous en somme aux confidences, je peux vous dire que c'est une tradition familiale: ma propre mère est attirée par le même type d'hommes, d'ailleurs mon père....
Et oui ! Je répète le scénario, je n'ai pas tué mes parents, je ne suis pas une adulte psychologiquement saine. Et si vous croyez être plus évolué (e) que moi parce que votre mari (femme) n'a rien à voir avec votre père (mère), d'ailleurs il (elle) est tout son contraire, vous pouvez gommer votre petit sourire supérieur. Probablement êtes-vous dans l'anti-scénario et donc tout autant un prisonnier du schéma parental.
Bon, par chance (ou par une bonne psychanalyse), peut-être êtes-vous de ceux qui ont complètement dépassé ce stade. Eh bien regardez autour de vous et soyez honnêtes ; vous êtes une minorité.
Mais pour nous autres alors ? La majorité qui se débat dans ses contradictions ? Mariages, divorces, remariages, redivorces, pacsages, dépacsages, jusqu'au concubinage ? Oui parce que si c'est pour se séparer, autant s'éviter les complications administratives.
On peut s'allonger sur un divan aussi. En espérant qu'après de longues années d'introspection, et pas mal d'argent dépensé, on sera enfin capable d'être attiré par une personne stable, aimante, et sans les problèmes psychologiques qui nous renvoient à notre enfance. Mais pour autant qu'une telle personne existe, elle sera sûrement déjà mariée et heureuse en ménage le temps que vous finissiez le travail avec votre psy.
Ou on peut revoir notre vision du bonheur. Admettre nos contradictions, admettre que ce qui nous rend heureux nous rend parfois dingues aussi. Réaliser que cet homme idéal, posé et gentil, nous offrirait une vie calme et sereine, mais tellement vide et ennuyeuse que nous serions finalement malheureuses. Ne pas perdre de vue que lorsqu’on aime, on aime le mélange unique et précis qui fait une personne. Enlevez lui un défaut, ou même juste atténuez-le, et c’est un être différent ; qui ne vous aurait peut-être pas bouleversé.
Le bonheur n’est pas un long fleuve tranquille ; il peut être ponctué d’énervements, d’un peu de cris, et même de quelques crises de larmes.
Quand mon homme tempête, je m’énerve, je lui dis qu’il est impossible à vivre ! Voir je refuse de lui adresser la parole pendant quelques heures tant je lui en veux. Mais une petite partie de moi trouve cette manifestation d’orgueil outragé diablement sexy. Alors même qu’il me met en colère je sais déjà que je vais lui rejouer 9 semaines et demie le soir même.
Finalement, le fameux « travail » que l’on est censé fournir pour maintenir une relation n’est pas tant une accumulation de compromis et de résignations qu’un changement de perspective sur nos amours, sur notre vie, et sur nos paradoxes. Aimez vos singularités et vos défauts, ils vous rendent uniques. Aimez complètement les êtres qui vous entourent ; et quand leurs défauts vous apparaissent, rappelez-vous que sans même le savoir, vous ne les aimez pas en dépit de leurs failles mais aussi pour elles.
A suivre…
Lucie.