Turquie : Un magazine féminin pour femmes voilées
L'islamisme est-il soluble dans le glamour?
Foulard islamique et glamour sont-ils compatibles? C'est le pari lancé il y a un peu moins d'un an par Âlâ, le premier magazine de mode en Turquie consacré aux femmes voilées. Et ce pari, Âlâ est en passe de le gagner, porté par la prospérité croissante des milieux dévots.
Créé en juin 2011, le mensuel Âlâ - «beauté», en ottoman - s'est déjà fait une place parmi les magazines féminins. Il tirait par exemple à 20 000 exemplaires en janvier, un peu moins que les versions turques de Cosmopolitan, Vogue et Elle (27600, 25800 et 21700 respectivement) mais plus que Marie Claire (18600).
Dans ses pages au papier luxueux, le magazine propose des photos de mannequins professionnelles et amateurs, vêtues selon les canons de la mode «tesettür» (voilée): foulard, robes longues, formes effacées, bras couverts; mais aussi conseils santé, entretiens avec des célébrités ou encore pages voyage.
Mode et militantisme
Âlâ ne cache pas un certain militantisme: «Voilée is beautiful» clame une de ses publicités, scandant en sous-titre «ma voie, mon choix, ma vie, ma vérité, mon droit».
Mais ces slogans semblent davantage un hommage aux luttes du passé, quand la laïcité, en vigueur en Turquie, était appliquée avec toute sa rigueur et que le port du foulard islamique était interdit dans les universités et la fonction publique.
Rédactrice en chef d'Âlâ à 24 ans, Hülya Aslan, a connu ces temps difficiles. À cause de son foulard, elle a été contrainte de renoncer à l'enseignement supérieur et trouver un travail dans la banque, quand certaines de ses amies choisissaient de porter une perruque pour contourner un règlement draconien anti-islamiste.
« Maintenant, il y a une normalisation, une amélioration. Désormais, nos camarades voilées peuvent entrer à l'université et ont davantage d'opportunités professionnelles. Depuis cinq ou six ans, on peut dire qu'on a passé le cap », affirme la jeune femme.
Avec un gouvernement islamo-conservateur au pouvoir depuis 2002, la laïcité est en effet devenue une notion plus élastique et les foulards ne sont plus vraiment ostracisés: la femme du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et celles de nombreux ministres le portent.
Dans les milieux pieux, l'heure est à l'affirmation de soi, et le monde de la mode a compris qu'il y avait là un marché porteur - d'autant qu'environ trois femmes sur cinq en Turquie portent un foulard ou un voile.
« Il y a maintenant des choses beaucoup plus jolies qu'avant. Les créateurs (...) ont enfin compris qu'on existait. Ils ont commencé à faire des habits qui ne sont pas systématiquement noir ou marron, qui sont plus colorés. Moi je suis plutôt contente », commente Merve Büyük, 22 ans, stagiaire à Âlâ.
Les femmes voilées suivent les tendances
Et le magazine, créé par deux publicitaires, entend bien profiter de cette vague de fond, qui lui assure de confortables revenus publicitaires.
«Avec cette revue, nous changeons les tendances. Nous disons que les femmes voilées peuvent suivre les tendances, qu'il y a de plus en plus de produits sur le marché et que les femmes voilées peuvent y avoir accès», déclare Hülya.
Fini le rigorisme, place aux couleurs chatoyantes! Pour la spécialiste des sciences de la communication Nilgün Tutal, Âlâ et ses mannequins attestent de la montée en puissance, à la faveur des années Erdogan et d'une croissance économique soutenue, de classes moyennes et supérieures dévotes, mais aussi de leur adaptation aux valeurs de la société de consommation.
«À une époque, l'islam, pour se distinguer de l'Occident, a pris des positions hostiles à la société de consommation. Mais aujourd'hui, ces populations, pour exprimer leur réussite, ne peuvent le faire qu'au travers de la société de consommation», analyse la chercheuse de l'université stambouliote de Galatasaray.
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=79156
Lancé il y a quelques mois en Turquie, le magazine «Alâ» dépasse déjà les tirages d’«Elle» ou de «Vogue». Il répond aux attentes des musulmanes turques
Comment être élégante, sans attirer l’attention et tout en respectant les règles de la mode islamique? Trucs et petits secrets sont distillés depuis juin 2011 dans les pages d’Alâ, un magazine de mode unique en son genre car dédié aux musulmanes de Turquie. «II est possible d’être glamour, de porter des talons hauts et d’être chic tout en respectant les valeurs de l’islam», explique la rédactrice en chef, Esra Sezis, embauchée via Twitter, il y a un an.
Foulard canari et veste carmin
De l’aveu de cette jeune femme de 24 ans, élégante avec son foulard noir et sa tenue aux tons bruns, la tâche est toutefois difficile vu le nombre de règles qui encadrent cette mode dite «tesettür»: usage limité des couleurs, jupes et robes à hauteur des chevilles, manches descendant jusqu’aux poignets, absence de décolleté, vêtements suffisamment amples pour ne pas mettre en valeur les formes et port du foulard islamique. La couverture du 8e numéro donne le ton: une jeune femme aux grands yeux bleus porte avec fierté une veste de blazer rouge carmin qui tranche avec le jaune canari de son foulard.
Face à la concurrence des autres magazines féminins qui tirent à moins de 20 000 exemplaires chacun, Alâ affiche un très bon démarrage avec 30 000 pièces vendues par mois en Turquie et 5000 en Allemagne. « Elle, Vogue et Marie Claire n’apportent pas de réponse aux femmes qui vivent de manière conservatrice en Turquie», explique Mehmet Volkan Atay, fondateur du magazine. Le potentiel est d’autant plus grand que plus de 60% des habitantes de ce pays portent soit le traditionnel foulard porté lâche (başörtüsü), le turban plus strict qui ne laisse passer aucune mèche de cheveux ou le çarşaf, drap noir qui couvre l’ensemble du corps. «Nos lectrices sont généralement urbaines, diplômées et de milieux assez favorisés, comme celles d’Elle mais leur plus, c’est leur intérêt pour l’islam. Du coup, notre lectorat est plus anatolien que celui des autres magazines féminins», ajoute Mehmet Volkan Atay. Publicitaire de métier, il s’est inspiré du magazine britannique Emel, destiné lui aussi aux femmes musulmanes, pour lancer Alâ.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/93d8e018-55c1-11e1-8291-c14a83ca990a/Al%C3%A2_le_magazine_qui_porte_le_foulard
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=79156
Jamais la garde-robe d’une future Première Dame n’avait fait autant couler d’encre. Et pour cause, Hayrunnisa Gül, l’épouse d’Abdullah Gül, candidat du Parti de la justice et du développement (AKP) favori à la présidentielle, porte le foulard. La République laïque de Turquie n’en croit pas ses yeux ! Pendant sa campagne, Abdullah Gül, islamiste modéré, a beau répéter qu’il respecterait la Constitution, rien n’y fait.
Sa femme est la bête noire des milieux laïcs, de l’opposition, de l’armée et d’une bonne partie de l’opinion publique. Il faut dire que cette mère de trois enfants est une militante acharnée. En 2002, après le refus opposé à son inscription à l’université à cause de son voile, interdit dans les administrations, elle a déposé un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. En vain.
En avril, des millions de Turcs ont défilé au cri de « Pas de femme voilée au palais de Cankaya ! ». Pour dévoiler un visage moins austère, la First Lady a demandé à un styliste turc, Atil Kutoglu, de moderniser son « turban ». La laïcité turque ne tient décidément plus qu’à un fil...
Mahia
http://www.elle.fr/Societe/News/Turquie-un-foulard-a-la-presidence-145876