Un bus pour l'Europe
A l’âge de la retraite, Dany et Gabriel ont décidé de faire le tour de l’Europe dans un bus réaménagé pour l’occasion, pendant au moins deux ans. Ils ont vendu leurs meubles, leur maison, absolument tout pour réaliser leur rêve de voyage. Une aventure qu’ils partageront avec nananews.fr, au travers de photos, de carnets de voyages et de vidéos.
Je suis arrivée à l’orée de la chênaie, au lieu-dit Latrillotte, un camping à la ferme sur la commune de Samatan dans le Gers. Un autobus qui n’en a plus que l’apparence, y est garé, superbement tagué. Gabriel Ducazeau m’accueille chaleureusement devant son imposant véhicule, « sujet » de notre rencontre. Dany, son épouse le rejoint, souriante, affable :
« Il a tout fait lui-même. Gabriel est très bricoleur ! »
Il y a de la fierté dans sa voix. Pourtant Dany ne voulait pas d’une vie dans un bus… avant d’y avoir goûté, voici à peine trois semaines !
« Et maintenant, pour rien au monde je ne reviendrais dans une maison ! Enfin en tout cas pour le moment, » dit-elle en riant. Elle précise, guettant ma complicité féminine : « Vous comprenez, presque pas de ménage à faire ! »
Et ce bus, ça la change des 200m² de sa précédente demeure, à Juilles, petit village près de Gimont, à 20 km d’ici. Le couple de sexagénaires (« soixante et quelques poussières », avoue Dany, coquette) a décidé de prendre deux années sabbatiques pour partir à l’aventure à travers l’Europe : « Mais attention, on n’est plus tout jeunes alors on a pensé “confort” à tous les niveaux. »
Nous sommes sur le fief de Monique Morvan, la première fermière à avoir introduit dans le Gers le tourisme vert à la ferme voici plus de trente ans. C’est elle qui les a accueillis sur ses terres, près du petit bois de chênes : « Là, ils ont de l’espace, ils sont tranquilles ! » Monique, c’est un « monument » dans la région. Sa table et ses chambres d’hôtes étendent loin leur renommée !
« Nous ne la connaissions pas personnellement mais à présent, c’est une amie ! » Et Gabriel raconte comment il a fait la connaissance de Monique, la « green lady » - ainsi que je l’ai baptisée :
« En fait je passais en bas, sur la départementale quand j’ai vu son panneau d’accueil à la ferme. Je suis monté et j’ai demandé si elle pouvait recevoir notre bus, le temps de le faire peindre car on avait besoin que l’extérieur soit représentatif de notre Gascogne… »
Oui, parce qu’en plus les Ducazeau, à travers leur pérégrination, seront les ambassadeurs du Gers-en-Gascogne, dans la plus parfaite gratuité, par pur chauvinisme ou disons plus élégamment, par tendre amour de leur pays. Envoyés par personne, et non plus pas « commissionnés » ! Faits de générosité, Gabriel et Dany sont motivés par des résonnances profondément humaines. En vrais enfants de d’Artagnan, le célèbre mousquetaire Gascon, né à quelques encablures !
Gabriel poursuit son récit à propos de Monique Morvan :
« Et non seulement elle m’a renseigné, mais elle a proposé cet espace. Je peux vous dire que son accueil m’a littéralement conquis sur le champ !!! On va avoir du mal à la quitter ! »
Avant de se retirer du monde du travail, Gabriel et Dany étaient commerçants. Ils ont tenu différents magasins sur Gimont. Gabriel a même été routier à une époque. Alors les gros engins, il sait les manipuler :
« Et du moment que j’ai tous les permis de conduire qu’il faut, Dany avec son permis auto est autorisée à conduire le bus… »
Ce n’est pas un bus mais un yacht de luxe !
Ce bus qui partait lui aussi à la retraite, le voici paré pour une nouvelle vie. Gabriel en a fait un véritable mobil-home, parfaitement équipé, qui peut accueillir à son bord 4 passagers, plus le chauffeur et la copilote.
Et la visite commence. Une enfilade de modules sur douze mètres, devant nous. Passé l’espace passager où est suspendue l’écran plat de la télé escamotable et dissimulée par une housse en lin « pour faire plus chic », voici le living au design moderne, pensé et réalisé par Dany et son amie Babeth. Dany pour le dessin, Babeth pour la couture.
Gabriel me montre l’emplacement des petites tables amovibles confectionnées avec deux panneaux routiers offerts par la DDE. Une troisième table, du même acabit sert de table de jardin. Puis c’est, à main gauche le coin cuisine avec four, plaque de cuisson, frigo, placards et en face, le coin salle de bain : douche et lavabo. Et puis la chambre à coucher, semblable à une bonbonnière, délicatement décorée et tapissée par Dany. Un petit bijou. Partout des gris perle et des tons corail. Nous ne sommes plus dans un autobus mais dans un yacht de luxe avec des petites fenêtres parées de rideaux fleuris doublés de lin.
Gabriel ouvre une petite porte qui donne à l’arrière du bus et claironne : « Et là, on accède au garage pour ma Smart… » Je n’en reviens pas : ils ont pensé à tout !
« On a fini de monter les rails avec des copains ce matin, et ça fonctionne impeccable. »
Les panneaux solaires installés sur le toit du véhicule permettent la production d’électricité, et donc la recharge des batteries, de l’eau chaude, etc.
« Et nous avons suffisamment de capacité pour les eaux claire et les eaux usées ».
Et voilà, grâce au talent et à l’ingéniosité de Gabriel, les Ducazeau sont parfaitement autonomes et peuvent désormais vivre leur vie de nomade, « mais de nomades modernes ! » gazouille Dany. Elle me fait penser à un pinson, tant elle respire la joie de vivre.
Et puis, c’est un rêve qui se concrétise. Leur rêve. En tout cas celui de Gabriel mais depuis qu’elle y habite, dans son bus, Dany est séduite. Emballée. Amoureuse.
Ils rayonnent de fierté, tous les deux, se renvoie la balle, les fleurs « C’est lui qui… », « C’est elle qui… » Ils jubilent comme des enfants. Un nouveau voyage de noce en perspective !
« Mais comment avez-vous fait pour tout installer si vous n’êtes pas du métier ? »
« Internet ! C’est fou ce qu’on apprend par Internet, les blogs, les forums… Mais aussi et c’est le plus important, c’est avec l’association AAVL (Aménageurs d’Autocars en Véhicule de Loisirs) que j’ai pu mener à bien notre projet. J’en suis devenu membre. Il y a des gens qui ont fait comme moi et ils donnent des astuces, toutes sortes de conseils. Et puis, le fait d’en faire partie, cela donne droit à des ristournes sur du matériel… » (Le sigle de l’association figure en bonne place, à l’avant du bus.)
Bien sûr, il a fallu du temps pour parachever la métamorphose de l’autocar en lieu parfaitement habitable. Mais du temps, ils en ont désormais ! Et ils ont tout maitrisé. Il y a même une cuisine extérieure avec un auvent repliable (électrique) et le coin rangement dans les malles d’origine du bus.
La déco extérieure, c’est un muraliste du coin.
Ah ! Je les envie… Quelle belle aventure en perspective ! Je fais le tour du véhicule. Il est recouvert de tags superbes : un d’Artagnan géant (« C’est l’idée de Monique, nous on voulait une cape et une épée, et Monique a dit : il faut d’Artagnan pour qu’on reconnaisse que vous êtes gascons là où vous passerez. L’idée a été adoptée ») ; une rainette et une coccinelle, « ça c’est pour moi, » dit Dany. Et un tournesol géant, un beau tournesol : « Regardez les détails, c’est fou ! Il a fait ça à la bombe, sans dessin préalable. Le tout en pas plus de dix heures !! Et voyez l’autre côté, cet ensoleillement, les tournesols, les pigeons, les canards… Regardez là, en transparence… » Gabriel ne cesse de s’extasier sur la réalisation de l’artiste. Leur plaisir est communicatif.
« On lui a donné des indications sur ce qu’on souhaitait et on lui a laissé carte blanche. On adore le résultat ! »
L’artiste muraliste, c’est Cédric Lascours, un gars installé dans le coin, habitué à exécuter des performances, et là, même si cela n’entre pas dans un évènementiel, il s’agit bien d’une performance. Cédric Lascours utilise de la peinture en aérosol, à laquelle il peut ajouter de l’acrylique. Il a signé son œuvre de l’adresse de son site : www.resoner.com
Partir pour être proches des gens.
Mais nos deux « nomades aventuriers tout confort » ne partent pas faire du tourisme. Leur motivation première c’est la rencontre. Les autres. Les gens du peuple.
« C’est un objectif commun, explique Gabriel : nous voulons connaître les différents peuples européens, les rencontrer chez eux, voir comment ils vivent, ce qu’ils ressentent. Partager la vie avec eux. Cela nous aidera à nous comprendre mieux. On veut être proches des gens. »
Et la barrière de la langue ? Sans se concerter, tous deux balaient l’obstacle de la main.
« Allons ! Quand on veut se comprendre, on y arrive, dit Dany. La langue, c’est pas un problème ! On a passé quelques temps en Australie sans parler un mot d’anglais et ça a été extraordinaire ! »
Gabriel présente l’itinéraire : « On va d’abord suivre le chemin de St Jacques de Compostelle jusqu’a Santander. Puis on va parcourir le Portugal, revenir par l’Espagne, traverser le sud de la France vers l’Italie, la Grèce et un petit bout de la Turquie avant de faire tous les pays de l’Est. On voudrait aussi passer en Lettonie. »
Monique l’interrompt : « On va téléphoner à Jean Amblard, il est de Sabaillan (village près de Samatan, ndlr) et dirige un village d’orphelins à Cesvaine, en Lettonie. Vous pourrez passer le voir… »
C’est à ce moment que j’aperçois « Chaussette », une chienne noire, mélange de griffon et de labrador, récupérée il y a cinq ans à la SPA. Elle est du voyage bien évidemment :
« Elle est pucée car c’est obligatoire hors de France. Et elle a son passeport européen. Elle a deux coins dans le bus, sur le canapé du living que l’on recouvre d’un tissu et à côté de notre lit… »
Chaussette semble apprécier. Elle va faire elle aussi de belles rencontres et comme elle a du chien, elle trouvera peut-être un amoureux…
Ah, encore une chose ! Gabriel et Dany – et surtout Dany- suivent attentivement les parutions de Nananews.fr. Ils ont promis le jour de leur départ, il y a peu, de nous envoyer des nouvelles de leur périple européen. Alors, bon voyage et à bientôt de vous lire !