J’ai mal à ma France …
Par Amelie Mélo
Je n’ai plus envie de me prendre le quart-monde dans la «figure» chaque fois que je mets un pied dans la rue.
Je m'apprêtais à écrire un édito rafraichissant pour un magazine souriant en ce début d'été, bien décidé à taire mes énervements habituels.
J'avais pris de bonnes résolutions, rangé ma parano dans ma poche et mes colères, au fond d'un placard.
Je m'apprêtais même à faire de l'humour.
Quelques fois, j'y arrive. Mais voilà. Une randonnée pédestre éprouvante entre l’Avenue des Champs Élysées et le cours de Vincennes a sapé mon moral et éradiqué mes résolutions optimistes.
Je n’ai plus envie de relativiser. Je n’ai plus envie de faire de l'humour. Et Je n’ai plus envie de subir ce cauchemar quotidien.
Je n’ai plus envie de supporter toute la misère du monde à chaque coin de rue.
Je n’ai plus envie de slalomer sans cesse entre des mendiants, des épaves avinées et des cartons d'emballages de fast-foods abandonnés sur le bitume chaotique des villes.
Je n’ai plus envie de cette odeur de pourriture qui me saute à la gorge, de cette odeur d'urine à tous les angles de rues, de cette odeur de crottes de chiens écrasées sur tous les trottoirs, de ces relents de transpiration et de crasse sur les banquettes du métro et des bus.
Je n’ai plus envie de perdre des heures en voiture dans une ville laide, dévastée par manque total de prise de conscience individuelle et d'organisation collective.
Je n’ai plus envie de voir ma difficile survie professionnelle lézardée par des bureaucrates en R.T.T, assénant au petit peuple cet air de supériorité par ces passages obligés.
Je n’ai plus envie de me retrouver sur le parvis d’une gare à onze heures du soir avec mes jambes et ma mauvaise humeur comme alternative à l'absence totale de transports en commun et à la présence suspecte de rares transports individuels qui frisent l'escroquerie.
Je n’ai plus envie de baisser les yeux devant l'indolence arrogante de jeunes connards capuchonnés en bande organisée.
Je n’ai plus envie de jouer les voitures-balais pour de malheureux touristes étrangers bouleversés, fraîchement dévalisés par des crétins sans loi, ni repère.
Je n’ai plus envie de me retrouver à chercher des mots d'apaisement et à soliloquer des propos hypocrites sur la fraternité et la tolérance lorsque mes enfants se font racketter en bas de ma ruelle ou dans leur école.
Je n’ai plus envie de me laisser railler par ces troupeaux d'abrutis incultes, habillés de survêtement jour et nuit, vociférant et bruyants au milieu des trottoirs et qui n'ont qu'une douzaine de mots à leur vocabulaire, dont le mot «respect» qu'ils utilisent comme une rengaine sans en connaître le vrai sens.
Je n’ai plus envie de contempler mon environnement urbain saccagé par des tags bâclés et des graffitis bourrés de fautes d'orthographe, qui ont fait la gloire d’un ministre en mal de reconnaissance. L'illettrisme est un vrai fléau, il plombe même l'ardeur des vandales.
Et aussi ...
Je n’ai plus envie de voir les dernières bâtisses mises à bas, les derniers jardins effacés d'un trait négligent sur des plans d'architectes en mal de terrains à lotir.
Je n’ai plus envie d’une banlieue qui saccage son passé historique sous les assauts des promoteurs.
Je n’ai plus envie des villes qui perdent leur mémoire au profit du béton.
Et encore ...
Je n’ai plus envie d'écouter poliment les commentaires avisés des journalistes ou de politiques en mal de clichés, plus envie d'entendre leurs discours lénifiants sur la formidable mixité de la France. Elle est où, la mixité? De Barbès à Clignancourt, la décrépitude est monochrome. Je n’ai plus envie de traverser le quartier de la porte de la Chapelle et de me croire à Kaboul. Celui d’Argenteuil devenu Marrakech, avec plus une seule charcuterie à la ronde, et plus une boucherie qui ne soit devenue Halal, les petits commerces deviennent un à un, des Kebabs ou des pâtisseries orientales… même le «burger» du coin est devenu Halal.
Je n’ai plus envie non plus de me fader encore et toujours les exposés béats de mes concitoyens fortunés, tous persuadés que le milieu de la cité parisienne se situe entre le 7ème et le boulevard St Germain.
Désolé, le centre ville à Paris, c'est au milieu du cloaque, pas à Saint Michel ou au jardin du Luxembourg. Tous les naufrages économiques de l'histoire récente de ma ville tournent autour de cette erreur fondamentale "l'appréciation de la haute bourgeoisie locale."
Je n’ai plus envie de ce manque d'imagination institutionnalisé, plus envie de palabrer sans fin avec des parents dont la seule idée d'avenir pour leur progéniture se résume à les faire admettre dans une école privée.
Je n’ai plus envie d'entendre les mots «on s'arrange» «c'est bon, allez, on verra» prononcés paresseusement par des piliers de bistrots.
Je n’ai plus envie de ce manque de rigueur élevé en principe de vie.
Je n’ai plus envie de l'incivisme, plus envie de la médiocrité comme religion, plus envie du manque d'ambition comme profession de foi.
Je n’ai plus envie des discours placebo autour de l'équipe de foot en lieu et place d'une vraie réflexion sur la culture populaire.
Je n’ai plus envie non plus de me tordre à payer des impôts démesurés et de subir l'insalubrité à longueur de vie.
Je n’ai plus envie de m'excuser d'être Français devant chaque nouveau venu, décontenancé par sa découverte de mon pays. Mon Pays!
Et pourtant, la France…
Pourquoi Je n’ai plus droit à MA FRANCE ?
Merde alors !!!!
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