Marcela Iacub, moralisatrice arriérée
niveau médaillée olympique
Ceux qui me lisent régulièrement le savent : j'aime l'humour de mauvais goût, les blagues consternantes et les théories choquantes. Parce que tout cela nous force à réfléchir, à remettre en cause ce qui nous paraît évident, à avancer en somme. Mais Marcela Iacub !!!! Son dernier opus dans Libération est d'une inhumanité sans nom.
« Les travailleurs qui souffrent ont pourtant d’autres issues que de se suicider. Ils peuvent changer d’emploi, même si l’on sait que le chômage bat des records actuellement, et ils peuvent aussi envisager des combats collectifs pour améliorer leurs conditions. (…) Si l’on songe aux conditions atroces d’exploitation de jadis ou à celles qui existent encore dans les pays pauvres, on se demande pourquoi et comment le suicide n’était pas ou n’est pas la réponse normale de ces victimes du travail. ».
Marcela Iacub, juriste, fille d'un juriste et d'une femme d'affaires argentine, est elle à ce point déconnectée des réalités ? Ne se rend elle pas compte qu'un être humain qui prend sa propre vie est juste au bout du rouleau, qu'il est dans un état de stress et de détresse absolue ?
Ne se rend elle pas compte que ce n'est pas la dureté des épreuves qui pousse au suicide mais la perception d'être totalement coincé ? N'a-telle jamais entendu parler de ces paysans indiens qui se suicident avec les pesticides qu'ils ne peuvent pas rembourser ? Croit-elle sérieusement que les actes de suicides dans les usines de textiles de l’Angleterre du XIXème siècle ont été documentés ?
Pour elle, le suicide pour cause de conditions de travail est un mystère, une énigme. Elle ne vit clairement pas dans le même monde néolibéral que le reste d'entre nous. Et le capitalisme sauvage qui a envahit jusqu'à la sphère privée n'est pas en cause. Non, c'est le « concept psychologique du travailleur » qui se substitue à son concept politique qui est une partie de la réponse. Selon elle, ce concept infantilise le travailleur, faisant de lui un « enfant » et non plus un être politique autonome. Cela aurait pu être une piste de réflexion intéressante s'il n'y avait ce mot malheureux de « substitution ». Apparemment, une juriste, chercheuse au CNRS à qui l'on donne une tribune dans Libération à du mal à faire coexister deux concepts en même temps. Que le travailleur soit un être humain, dans toute ses dimensions psychologique, physique et politique, c'est trop compliqué !
Mais là où elle démontre avec brillance son manque d'humanité et d'honnêteté intellectuelle c'est quand elle s'aventure dans sa deuxième explication : Ceux qui se suicident en raison de leur conditions de travail son des « terroristes politiques » : « Ils sont des manières de terroristes du point de vue politique, car ils se servent du meurtre d’eux-mêmes comme arme au lieu de faire appel à la parole. »
Ce ne sont pas ceux qui se suicident qui en font un acte politique, ceux sont ceux qui restent. Quand un tunisien s'immole par le feu et déclenche la révolution de Jasmin, il est l'étincelle qui fait exploser le gaz accumulé. Si son geste est motivé par le désespoir, ses compatriotes y donnent une réponse politique. Quand de nombreux employés d'une même entreprise prennent leur vie, le reste de la société à bien raison de se poser des questions et d'essayer d'y donner des réponses collectives et politiques.
Ce qui est terrible c'est que Iacub se présente comme une réformiste radicale, ultra progressive. Mais son papier se finit quand même par : « Un journalisme responsable devrait en effet affirmer : «Nous, on refuse de discuter avec des terroristes.» Et donc considérer les causes du suicide des personnes en bonne santé - qui ont des milliers de jours, de joies et de peines devant elles - comme un mystère. En s’interdisant le moindre commentaire. ». Circulez bonnes gens, il n'y a rien à voir. Notre organisation économique et sociale rend les gens fous ? Mais non, ne commentez pas. Ne cherchez pas à savoir. Et c'est une intellectuelle de gauche, qui se plaint de l'ambiance « moralisatrice » dont elle serait victime qui vous le dit. Sauf que pour le coup, comme moralisatrice imbécile et réactionnaire, Marcela Iacub se pose là !