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Pascale Huc
Epicière en activité depuis 1938 : «J’y suis née, j’y mourrai!»
Un établissement fondé en 1860.
C’est le crédo de Pascale Huc, l’épicière de Cazaux-Savès, village du Gers toulousain, qui a failli voir sa dernière heure arriver en ce dernier lundi le 11 juin au soir quand des individus cagoulés et armés ont surgi chez elle, la terrorisant. Un quatrième cambriolage en deux mois, c’est beaucoup ! Mais Pascale Huc n’en a cure : elle a refusé d’aller se faire examiner à l’hôpital alors qu’elle est restée deux heures à terre, ne parvenant pas à se relever, après le départ des malfaiteurs. De même qu’elle n’envisage pas une seconde de mettre la clé sous la porte. C’est dire le tempérament de cette nonagénaire !
Son épicerie est ouverte sept jours sur sept
Son épicerie, c’est l’épi… centre du village ! Ouverte sept jours sur sept, de sept heures jusqu’au soir… Bien sûr, il n'y a pas foule et le commerce n’est plus guère viable mais pour Pascale Huc, passer le rideau de rubans plastiques qui ouvre sa boutique équivaut à un voyage dans le temps et surtout, rompt une solitude inévitable :
« Je n’ai pas l’âge de la retraite. Et puis, qu’est-ce que je ferai ? »
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Derrière le comptoir en bois et la vieille balance blanche émaillée, les étagères bien garnies proposent conserves, condiments, bouteilles… Du fromage, des boissons, quelques fruits et légumes, des bonbons, produits d'hygiène et de papeterie, le journal et le pain ainsi que quelques boîtes en cartons contenant ruban ou extra fort s'alignent le long des murs. Et puis l’odeur… l’odeur du temps d’avant… Du temps où on prenait le temps…
Petite silhouette en tablier bleu, cheveux blancs et visage malicieux, Pascale Huc est une célébrité locale dont la renommée s’étend aussi au loin, pour preuve, ces attaques subies car on sait trouver chez elle un butin facile. La presse comme la télévision régionales ont su relayer l’exemple de cette petite dame pleine d’énergie. Elle commente les événements de sa vie d’une voix si claire qu’on la croirait celle d’une jeune fille, et son rire fuse souvent.
«L’histoire de notre épicerie démarre en 1839, lors de la guerre carliste en Espagne. Mon grand-père, Jacques Ampuy, avait sept ans qui vivait dans un village frontalier, a fui l’Esapgne avec sa famille. Les hasards de la route les ont conduits ici, à Cazaux-Savès. Mon grand-père y a grandi et par la suite il est devenu chiffonnier. L’épicerie, il l’a ouverte en 1860.
Le principal du commerce, c’était la tournée dans les campagnes avec le mulet, puis le cheval… Quand il ne partait pas ″faire le contrebandier″ : trois jours de marche pour passer des allumettes ! Il complétait son travail en collectant plumes et chiffons mais aussi des peaux de lapins qu'il partait vendre à un fourreur toulousain. La boutique n'occupait alors que la moitié de la surface actuelle.
Mon père, Antoine, a laissé un grand souvenir : il a été reçu premier du canton au certificat d’étude. Il a reçu une montre en récompense dont, petite fille, j’ai pris plaisir par la suite à démonter les rouages… !»
Pascale est née le 14 janvier 1919. Elle a dix-neuf quand elle reprend l’épicerie. Mais déjà à quinze ans, avec sa sœur, elle fait sa tournée :
«Très vite, mon père a mis en place des tournées. Au début, on a pratiqué le troc avec les clients. Il n’y avait pas trop de sous dans nos campagnes ! Quand j’ai eu quinze ans, mon père a eu une attaque. Avec ma sœur, on a dû prendre le relais brutalement et assurer les tournées. C'est le cheval qui nous a sauvés : il connaissait la tournée et savait où s'arrêter. On a ramassé jusqu’à 2.000 œufs par semaine !
Il y avait cinq couturières au village et nous vendions du tissu pour confectionner des tabliers…»
Roger Huc était employé à l’épicerie. Une romance nait entre les deux jeunes gens et ils se marient. En 1938, ils ont repris l'épicerie. Son mari est parti l'année suivante à la guerre. Il est alors fait prisonnier.
« On nous avait tout pris : l'armée a réquisitionné le cheval, le fourgon, la moto. Il restait le vélo et la brouette. Je partais à Toulouse en vélo puis en train pour acheter tout ».
Grâce à la complicité de quelques Allemands, Roger s’évade en 1943. Il y aura alors l’achat d'une voiture puis d'un camion, les tickets de rationnement puis la reprise des tournées en 1948 et le retour à la vie normale.
La boutique s'est agrandie en 1950.
«Il y a eu jusqu'à quatre tournées, et le cheval qui servait à affronter les routes difficiles de Noilhan ou Endoufielle a laissé la place aux chevaux-vapeurs…»
Un soupir s’accroche au souvenir de Roger qui l’a quittée après ses quatre-vingt-dix ans :
«Nous avons travaillé pour payer les études à nos trois enfants qui ont bien réussi. Nos petits enfants ont grandi. Quand ils étaient plus jeunes, ils nous donnaient un bon coup de main pendant les vacances…»
Parmi ses petits enfants, Catherine Domenech, attristée par les coups du sort qui n’épargnent pas sa chère grand-mère, a organisé au pied levé une « cousinade ».
Elle a eu lieu ce samedi 9 juin. Soixante-dix sept membres de la famille ont pu venir au rendez-vous surprise.
Les mots émotion de Catherine, sa petite fille
« Quelle journée heureuse pour nous tous. Nous avons retrouvé notre grand-mère rajeunie de bonheur. Ce fut de l’élixir de revoir tous nos cousins. Certains ont manqué à l’appel comme Aude qui n’a pu nous rejoindre avec ses trois enfants et son mari, son fils jouait une finale de rugby. Et aussi Martine et Christophe de Paris, leurs enfants préparaient les épreuves du baccalauréat. Après hésitation, ils ont décliné l’invitation, mais ils auraient bien aimé être parmi nous tous ! Mamie a été heureuse de voir tous ses cousins présents, tandis qu’au fur à mesure que la journée passait, la famille s’étoffait… Au fil des heures, ils sont arrivés, tous, cousins, cousines, enfants, petits enfants, arrières petits enfants… Manquaient Lou, Clara et Lémah… »
Pascale savait qu’on lui préparait une surprise.
«Quand elle est rentrée dans la salle des fêtes du village, elle m’a confié : « Je ne pensais pas que c’était si près ». Je lui ai répondu : « C’est près mais nous sommes très nombreux et tu vas revoir des cousins que tu n’a pas vus depuis très, très longtemps ». Mamie a ajouté : « Effectivement il y a beaucoup de tables et de couverts ». Je lui ai précisé que nous avions choisi la couleur bleue pour la décoration de la salle, puisque avec Papon (petit nom de mon grand-père) ils portaient toujours une blouse bleue. A la lueur du contre jour, elle me posa une dernière question : « Qui sont ces gens au loin ? « Ce sont tes cousins, les Duprat. » Elle a eu le souffle coupé et je me suis inquiétée : « Mamie, ça va ? Tu vas bien ? » Après dix longues secondes, elle m’a rassurée avec son grand sourire, pétillant de bonheur.
Elle a avancé du mieux qu’elle a pu avec sa canne pour les rejoindre. Ce sont des cousins avec qui elle passait des vacances dans sa jeunesse…
Dans un premier temps, nous nous sommes réunis pour prendre une collation avec toutes sortes de gâteaux… La veille j’avais préparé 300 cannelés et vers 17 heures, nous nous sommes tous rassemblés devant l’ancienne mairie de Cazaux pour la photo de famille….
Ensuite quelques gouttes de pluie nous ont obligés à rentrer les tables disposées dans la cour et nous avons décidé de passer à la rétroprojection des photos. Les plus vieilles que j’avais scannées représentaient la grand-mère paternelle et le père (enfant) de mamie Pascale, et le grand-père de Papon, berger au château de Caumont, dans ses beaux habits.
Quand la pluie a cessé, nous avons ressorti les tables pour servir l’apéritif dehors…
Tous les cousins se mirent à notre disposition pour préparer les amuses gueules, disposer les flûtes, et servir… le Pousse-rapière¹, un cocktail spécifiquement gascon.
Que de gentillesse, de générosité et de compréhension, de leur part à tous ! Je n’ai refusé aucune aide ….
Maman, tatie Françoise, et notre cousine Anne-Marie ont été d’un grand secours pour les ultimes préparatifs avant le repas du soir.… (Comme les fées dans les contes, en un coup de main, leur baguette magique)….
C’est le cousin Didier, aidé de sa compagne, qui a préparé la délicieuse paella, relevée à souhait… Un régal ! Merci Didier…»
La sœur de Catherine Domenech, Sandrine Brousset avait reconstitué l’arbre généalogique en un temps record. Elle s’était également équipée d’un Karaoké :
« Nous avons de belles voix dans la famille ! »
En un mois seulement, tout a été rendu possible pour ces retrouvailles : une date commune, une salle libre, une sono, un DJ, un rétroprojecteur et surtout garder le secret. Le maire et les villageois, tenus dans la confidence, ont joué le jeu. Le cœur gonflé de gratitude, Catherine remercie tout le monde, la famille mais aussi les amis pour leur aide et leur soutien :
« Ces moments en toute simplicité ont procuré de la joie unanimement à nous tous…»
Mes filles sont à la retraite…
C’est au lendemain de ces chaleureuses festivités qu’un nouveau cambriolage dans la violence est venu ternir le ciel de Pascale mais non point sa bravoure ni son opiniâtreté !
Peut-être devra-telle abandonner le commerce des cigarettes qui lui causent tous ces ennuis ? C’est l’éminent conseil de son entourage comme de la gendarmerie qui mène son enquête… En tout cas, elle n’envisage pas un seul instant de fermer l’épicerie :
« J'y suis née et j'y mourrai. Et puis d’ailleurs, l'épicerie me suivra. Il n'y a personne pour la reprendre. Mes filles sont à la retraite »…
Un dernier conseil de Mamie Pascale à qui j’ai demandé comment elle avait su préservé son teint de jeune fille :
« On se débarbouille bien le matin au savon : jamais de crème ni de maquillage… »
Encore cette lueur malicieuse dans le regard et puis on se dit au-revoir, comme deux amies…
© Mahia Alonso pour Nananews
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Le Pousse-rapière : Le Pousse-Rapière prépare les repas à la fête et à la convivialité. C'est un célèbre cocktail gascon appelé Pousse-Rapière par la famille Lassus en souvenir de la fougue des gascons de XVIème siècle qui maniaient habilement la rapière, épée permettant d'attaquer l'ennemi, contrairement aux armes de tailles, lourdes épées de Moyen-âge utilisées à la manière de haches pour se défendre. L'expression à l'époque disait qu'on "poussait la rapière vers l'ennemi". Elle est aussi l'ancêtre de l'épée des mousquetaires, ramenée par D'Artagnan à la cour de France.
Idéalement le "Pousse-rapière" se compose de liqueur de Pousse-rapière : liqueur d'armagnac aromatisée à l'orange amère inventée dans les années 60. C'est une production exclusive du château Monluc (Saint-Puy, Gers). En effet, la recette de la liqueur a été inventée par René Lassus, ancien propriétaire du château, et est gardée secrète depuis.
Il convient aussi d'utiliser du vin sauvage : vin mousseux de méthode traditionnelle, blanc de blanc et brut. Idéalement, le cocktail se fait avec le vin sauvage produit par le château Monluc car les cépages sont les mêmes que ceux choisis pour l'armagnac dont est issu la liqueur. Ceci permet un mariage parfait entre les deux composants.
Tout autre vin mousseux peut être utilisé mais le gout ne sera pas authentique. Dans tous les cas il faut utiliser un brut ! La liqueur étant déjà sucrée, un demi-sec ou un doux donnerait un cocktail trop sucré.