Par :Yves Barou
Économiste, conseiller au sein du FSI, et Président du Cercle des DRH Européens
Le social oublié?
Les réactions aux mesures successives d'austérité en Grèce, tout comme les manifestations en Espagne ou au Royaume-Uni ont rappelé que la réussite d'une politique économique n'est pas qu'une question d'économie ! Il s'agit aussi d'acceptation sociale, de consensus et de justice.
C'est une évidence trop souvent oubliée dans la surabondance d'informations et d'analyse techniques sur la crise des dettes souveraines. Le social peut être momentanément oublié mais il se rappelle à l'ordre !
La dimension sociale de l'Europe existe-t-elle ?
À première vue non car elle ne tient que peu de places dans les politiques communautaires, le sujet étant réputé national. Un marché unique a été créé, mais avec peu de régulations, la pensée unique libérale s'imposant. Ce constat pessimiste, et qui détourne beaucoup de l'Europe, doit cependant être nuancé.
D'une part, l'Europe s'est dotée progressivement des fondamentaux du dialogue social : l'information consultation des comités d'entreprise s'est développée sur la base d'une directive commune de l'Europe ; les comités européens des grands groupes ont vu le jour, fonctionnent bien et créent un enrichissement mutuel.
Tout cela est fondamental car la langue commune de l'Europe est, malgré les différences, la négociation entre partenaires sociaux. C'est la base du modèle social européen. Pour négocier il faut nécessairement être deux. Il faut des syndicats présents dans les entreprises, mais indépendants.
Ces deux conditions ne sont réunies ni aux États-Unis où les syndicats sont, pour l'essentiel hors de l'entreprise, ni en Chine où ils ne sont pas indépendants. Le modèle de négociation à l'Européenne est en fait le plus moderne car il est le seul à produire des consensus durables.
D'autre part, si les politiques publiques sont limitées, les entreprises, parce qu'elles sont souvent européennes, créent des normes sociales communes. D'ailleurs plus de 200 accords européens ont été conclus à ce jour créant progressivement un socle commun.
Le chemin est encore long, mais les dix dernières années ont été marquées par de réelles convergences. Le social européen est donc vivant et c'est une bonne nouvelle. Il faut en être fier pour le préserver et le faire évoluer en apprenant les uns des autres.
Et si les entreprises françaises s'inspiraient de l'Allemagne où les salariés sont présents dans les conseils d'administration ! Et si le temps choisi pratiqué aux Pays-Bas faisait école ? Et si le modèle scandinave de redistribution se répandait ?
Alors, ce modèle social, qu'il est de bon ton de décrier souvent, pourrait redonner foi en l'Europe et pourrait s'avérer un atout pour sortir durablement des dérèglements financiers !
Yves Barou est l'auteur de nombreux livres sur l'économie et les sociétés, dont ceux-ci:
- Les grandes économies
États-Unis, Japon, Allemagne fédérale, France, Royaume-Uni, Italie
- Le Royaume-Uni. Une Économie À Contre-Courant
Une Economie A Contre-Courant
- Les Trente-cinq heures et l'emploi
- Le Marché Du Travail. Structure Et Fonctionnement
Structure Et Fonctionnement