Thérèse Clerc,
La maman des Babayagas
"Non, La vieillesse n'est pas un naufrage. "La vieillesse est un bel âge et j'entends bien le vivre jusqu'à la fin comme cela, c'est subversif. N'importe quel humain de sa naissance à sa mort doit pouvoir souhaiter son autonomie : c'est l'essence même de la liberté et l'essence même de la responsabilité."
« La Maison des Babayagas », du nom des vieilles grand-mères russes. Un peu sorcières sur les bords, les Babayagas vivaient - selon les légendes russes - dans des maisons faites de pain d’épices et de pâte d’amande, soutenues par des pâtes de poules. Elles y racontaient des histoires aux enfants qui en profitaient pour grignoter leurs maisons. Les Babayagas, fâchées de cette effronterie, dévorèrent tout cru les garnements... La babayaga c’est une passeuse, une femme d’un chemin initiatique. Et c’est une femme qui aide les femmes qui s’aident.
Thérèse Clerc, née en 1927, est la Présidente et fondatrice de la Maison des Babayagas (concept atypique de maison de retraite autogérée entre des femmes âgées, solidaires, écologiques et citoyennes), fondatrice de la Maison des Femmes de Montreuil. Elle se bat depuis plus de 40 ans pour les droits des femmes...
Elle dit : « Il ne suffit pas de vieillir, encore faut-il savoir et se dire que l’on vieillit ; et vivre avec lucidité son vieillissement. A cette condition seulement on garde ce que toujours on a eu de plus fort, de plus à même de vivre pleinement chaque instant, comme s’il était inépuisable ».
Ou encore : « Qu'importe ! J'ai l'âge des vieilles peaux qui peuvent nidifier la peine des autres et leur faire des enfants d'espérance. »
« Je n'ai qu'une seule morale : l'authenticité. Je ne supporte plus le double discours. Nomade de longs voyages intérieurs, je suis plus créature de résonance que de raisonnement, je cours toujours après quelque Chanaan, mais je sais depuis un bout de temps que la promesse, c'est le voyage, et non le but. »
Femme au foyer, mère de 4 enfants, c'est à 40 ans, après son divorce, que Thérèse Clerc rejoint le mouvement féministe. Et c'est par une de ses amies, chez qui se tenaient les premières réunions du Mouvement pour la libération de l'avortement et de la contraception (Mlac), qu'elle débarque à Montreuil, rue Hoche. C'était en 1974. Avant, elle habitait dans un vaste appartement à Paris, boulevard de Ménilmontant. Et encore avant, juste après la guerre, dans un tout petit logement boulevard de Charonne, avec «des toilettes, pour 32 personnes, sur le palier». De cette époque, elle garde le souvenir de l'église du 179 rue de Charonne : «J'y ai fait ma conscience politique. J'y ai appris Marx», sourit-elle en ajoutant : «C'était un christianisme qui méritait vraiment son nom !». Bien loin du christianisme de sa famille, avec un père Croix-de-Feu...
En fouillant plus loin encore dans la mémoire de son enfance à Bagnolet, elle se souvient des voisins communistes qui, en 1936, adoptent deux orphelins de la guerre d'Espagne. «Ce qu'ils ont fait, nous ne l'aurions pas fait», lui dira sa mère. Même scénario durant l'Occupation quand la voisine de la rue Ramey (18e) recueille un enfant juif.
Aujourd'hui Thérèse Clerc ne quitte plus Montreuil dont elle apprécie «une culture qui n'est pas de consommation, avec des espaces de réflexion et tous les soirs une ou deux sorties possibles». (…) A la Croix-de-Chavaux, par exemple. Le dimanche matin, «tout le monde se retrouve» au Bistrot du Marché après avoir fait ses courses.
Figure locale et actrice de la ville, Thérèse regarde tout ça avec recul. Sa préoccupation aujourd'hui est de voir aboutir son projet de Maison des Babayagas, du nom des sorcières des contes russes. Une «anti-maison de retraite» autogérée et écologique. Son financement n'est toujours pas bouclé alors que la première pierre doit être posée en mars. «L'utopie est la fille du rêve.»
(Anne Delabre, Le Nouvel Obs du 21.02.08)
http://www.maisondesfemmesdemontreuil.org/
Danièle Michel-Chich, l’auteur de sa biographie (« Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs », Ed. des Femmes, 2007) dit d’elle :
« Si Thérèse Clerc était un objet, elle serait sans aucun doute une lampe tempête. Une lampe car Thérèse brille et éclaire tous ceux qu'elle rencontre et une tempête car c'est une femme de plein vent.(…) Elle vit un présent inspiré qui ouvre des chemins inattendus dans un système cloisonné et peureux.
Thérèse est féministe. Son féminisme a plutôt des allures de tendresse, parfois modérément anti-mâle mais plutôt antisystème. Un féminisme double qui révèle chez les hommes leur part de féminité, sans honte ni appréhension, et donne aux femmes qui ne l'ont pas encore, la conscience de leur être, l'énergie de retrouver une souveraine liberté, de se remettre au monde infiniment. »
Extrait d'entretien avec Thérèse :
"Le troisième âge, c'est un âge superbe. Le corps passe à l'esthétique de ce que l'on est à l'intérieur. On a de l'expérience, du temps et une grâce de vivre. Il nous faut trouver en nous la force d'inventer une nouvelle société. Nous pourrions devenir une avant-garde éclairée...
Parler de temps retrouvé de la vieillesse comme d'un paradis apparaît sûrement comme une incongruité. Pourtant, pour l'avoir expérimenté depuis plus de deux décennies, j'affirme que rien n'est plus heureux que ces journées rondes et profondes comme un puits d'où sort l'authenticité d'une vie. C'est le temps délicieux où je n'ai plus rien à prouver à la société, où ma carte de visite et mon CV n'ont plus de valeur : mon être a plus d'importance que mon avoir."
http://editionsdesfemmes.blogspirit.com/therese_clerc/
Le 11 juin 2008, Thérèse Clerc, fondatrice de la Maison des femmes de Montreuil (Seine Saint-Denis) et initiatrice de la Maison des Babayagas - une maison de retraite autogérée, citoyenne et écologique - a reçu les insignes de Chevalière de la Légion d'honneur. Sa marraine, l'historienne Michèle Perrot a rendu hommage à ses quarante années de combat féministe. Simone Veil, séduite par le projet de la Maison des Babayagas, a salué cette "idée portée par des femmes qui ont envie de vieillir ensemble, de se soutenir les unes et les autres" et qualifié cette initiative d'"importante pour la cité". Une initiative innovante qui ne relève ni du logement social, ni de la maison de retraite et ne rentre dans aucune case administrative.
"Mourir vieux, c'est bien, mais mourir bien c'est mieux !"
Maison des Babayagas : l'idée de départ
« Aux armes Citoyennes Celles de vivre en termes de service et non de pouvoir, d'être pleinement ce que l'on peut être, de créer de la vie partout et toujours,
de remettre en question la pulsion de mort si chère à nos sociétés patriarcales,
de changer la civilisation du mépris en civilisation du regard. Armes de paix, graines du futur. Pour vivre et vieillir en solidarité et citoyenneté »
Cet appel de Thérèse a rencontré des femmes ayant les mêmes aspirations. Et donc est né ce projet d’une Maison des Babayagas
http://1libertaire.free.fr/maisonderetraiteautogeree.html
« Un des effets de la canicule meurtrière de l’été 2003 aura été l’heure de gloire qu’ont connue les maisons de retraite dans les médias... Une occasion inespérée de prendre conscience de la misère de ces lieux où se trouvent claquemurées les personnes âgées. L’occasion de voir aussi que ces lieux connaissent des alternatives fleurant les expériences communautaires des années 70.
Animée par l’envie de vivre leur vieillesse tout en prolongeant leurs vies personnelle et militante, et par la volonté de ne pas être une charge pour leur entourage sans être pour autant coupées du monde, une poignée de femmes a décidé de créer une maison de retraite communautaire, solidaire et autogérée à Montreuil (Seine Saint-Denis).
Trois femmes sont à l’origine de ce projet - Thérèse Clerc, Monique Bragard et Suzanne Goueffic. Elles sont restées engagées et actives : l’une dirige la Maison des femmes de Montreuil, l’autre est peintre, la dernière aide à l’alphabétisation en qualité d’orthophoniste. Voici en quelques étapes le kit de fabrication d’une Maison de Babayagas, à l’exemple de celle de Montreuil.
Le projet d’une maison de retraite autogérée émerge dès 1997 dans l’esprit de Thérèse Clerc, à la mort de sa mère. Mais les pouvoirs publics font la sourde oreille et estiment que cela ne saurait entrer dans leur agenda politique. Toutefois, le projet mûrit et l’hécatombe de la canicule rend les oreilles plus attentives : les Babayagas convainquent en 2003 la mairie de Montreuil d’attribuer un terrain en centre ville pour la construction de la maison. Celle-ci sera prise en charge par l’office des HLM et subdivisée en plusieurs studios autonomes loués par les résidentes. Chaque logement privatif sera d’une surface de 35m2 pour un prix n’excédant pas (a priori) 300 euros (avec possibilité de profiter des APL...). Parce qu’une maison solidaire et autogérée se doit d’être un minimum écologique, des panneaux solaires se chargeront de chauffer l’eau et l’utilisation de matériaux écologiques sera privilégiée pour la construction. Pour ce qui est de l’aspect communautaire, des pièces collectives sont également prévues (bassin d’hydrothérapie, salle polyvalente, etc.).
La maison des Babayagas est une maison de femmes. Les hommes peuvent venir y passer l’après-midi ou une nuit à l’occasion (lits accueillants d’1m40), mais ne peuvent s’y installer. Fatiguées d’une vie passée à subir les oukases des hommes ou au contraire à être à leurs petits soins, ces veuves, célibataires ou divorcées préfèrent rester entre elles et n’ont que faire des reproches de sectarisme qu’elles doivent essuyer de ce fait. Leur démarche s’inspire notamment de l’expérience du béguinage, ces femmes (les béguines) qui réfutèrent dès le XIIe siècle l’idée de toute autorité religieuse ou maritale et vécurent entre elles.
L’idée de la Maison des Babayagas a circulé dans la presse et les lettres ont afflué : à l’heure actuelle 50 femmes ont postulé pour seulement 16 places... Le caractère engagé du projet a naturellement orienté les candidatures : les postulantes ont un passé associatif, syndical ou politique, à l’image des initiatrices qui ont usé leurs semelles au PSU. Une fois débarrassée la vaisselle des repas collectifs, les pièces collectives laisseront donc la place à des activités culturelles ouvertes aux adhérents de la Maison des Babayagas, mais seront aussi le lieu d’activités citoyennes (alphabétisation, accueil de jeunes femmes en difficulté, échange de savoirs, etc.).
« Ne jamais se coucher fâchées » est un principe (qui émanerait de Saint-Augustin) que les Babayagas montreuilloises aiment à citer. La vie en communauté, le partage et la rotation des tâches n’engendrent pas seulement paix et amour... et pour éviter que les Babayagas ne se jettent à la figure leur verveine-menthe, une médiatrice extérieure leur rendra visite tous les quinze jours pour aider à une résolution des conflits non-violente. Une période probatoire de six mois laissera la liberté à celles qui le souhaiteront de quitter la Maison. Quant aux femmes qui seront touchées par une maladie dégénérative ou par la démence, elles seront orientées vers un centre médicalisé. »
La Maison des Babayagas... ou comment monter sa maison de retraite autogérée Kit militant (Ecorev dimanche 11 juillet 2004)
LA MAISON DES BABAYAGAS
Un projet innovant qui nous (vous) permettra, même jusqu’à un âge avancé, de poursuivre et finir notre vie dans nos murs, entourées de compagnes ayant fait le même choix de vie.
Ainsi, ce projet s’inscrit dans les mouvements d’économie solidaire, de démocratie participative et de développement durable. Soutenu par la ville de Montreuil, il sera implanté rue de la Convention, à deux pas de la Mairie.
La Maison des Babayagas sera :
AUTOGÉRÉE : nous gérerons notre maison nous-mêmes, n’acceptant d’aide extérieure que le moins possible et pour pallier nos forces déclinantes, l’attention soutenue aux soins du corps – gymnastique, thérapies, massages – tout à la fois plaisir et exigence, y aidant grandement.
FÉMINISTE : parce que nous sommes toutes issues du mouvement de libération des femmes. Cet engagement durera toute notre vie.
SOLIDAIRE : tout en respectant et préservant l’intimité de chacune, nous nous aiderons ensemble à bien vieillir et à mourir.
CITOYENNE : loin de nous enfermer en ghetto nous serons ouvertes sur la ville, actives autour de nous autant que nous le pourrons, articulant vie politique, vie sociale et vie culturelle.
ÉCOLOGIQUE : la Maison des Babayagas sera construite avec une exigence d’économie d’énergie et de respect de l’environnement. Dans son fonctionnement, nous veillerons particulièrement à une gestion rigoureuse de l’eau, des énergies, des déchets.
Devenir Babayagas ?
Depuis peu … ou un peu plus … vous êtes une retraitée dynamique ; le bonheur de jouir d’un temps libre à vivre à sa guise, des journées toutes chargées d’activités, de rencontres, de flâneries, de sollicitations diverses, peut-être, l'époque nous y pousse, quelque bagarre encore à mener; ainsi les jours qui passent voient le temps défiler très vite ; d’autant que parfois, quelques rudesses de la vie, la vôtre ou celle d’un proche, vous secouent.
Demain vient vite ; qu’en sera-t-il de la vie en solo, quand le monde se fera plus lointain, quand l’ennui parfois pointera son vilain museau ?
« Le maintien à domicile » jusqu’au bout (ou presque) … ? La maison de retraite à partager les heures et les jours qui s’égrènent avec des voisins non choisis ?
A Montreuil, l’aventure des Babayagas vous propose une vie partagée, exigeante certes, mais toujours désirante qui, même lorsque s’affaibliront vos forces, vous permette d’être vivante jusqu’à l’ultime moment.
Notre maison sera ouverte aux personnes du quartier qui désireront participer dans le même esprit à l’animation de la « Maison des Babayagas ».
Nous serons des résidentes qui, répondant aux critères HLM, auront le goût et l’habitude d’activités collectives, associatives, … Les postulantes seront choisies en fonction de leurs aspirations et leurs capacités à vivre selon les choix exprimés dans ce texte. La décision se prendra au terme d’une période d’appréciation réciproque.
Inspirée des béguinages, la Maison offrira à chaque résidente son lieu personnel – studio bien insonorisé avec kitchenette, et salle d’eau – y recevant qui elle veut, continuant d’y mener sa vie selon ses habitudes et ses goûts. Mais, pour notre vie ensemble, nous bénéficierons de locaux collectifs – entre autres salle de réunion, bibliothèque, salle de gymnastique, pièce de réception, … sans oublier un petit jardin.
Assumant nous-mêmes, et chacune aussi longtemps qu’il lui sera possible, les activités d’entretien et d’animation. Pratiquant entre nous l’entraide la plus large, nous maintiendrons les frais de fonctionnement dans l’esprit de l’économie sociale et solidaire. Nous ferons appel, pour les interventions indispensables, aux services d’aide existant sur la ville.
Nous voulons témoigner que le manque d’imaginaire social concernant les vieilles et les vieux entraîne des pratiques qu’il serait bon de modifier, afin de mettre en place des innovations prouvant que la vieillesse, pour qui en assume l’exigence, est un bel âge de la vie, plein d’expériences, de sagesse et – mais oui – d’avenir.
Ce projet vous intéresse ? Venez en discuter avec nous !
Thérèse CLERC 01 48 58 80 53
Odette MENTEAU 01 45 28 99 12
Dominique DORÉ 06 73 99 68 54
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Contact babayaga
Thérèse CLERC - 1, rue Hoche - 93100 Montreuil –
01 48 58 80 53 - Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.
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http://www.lamaisondesbabayagas.fr/
Babayagas, mode d’emploi
1 - Constituer un collectif de départ - dessiner ensemble les grandes lignes du projet ;
2 - Se constituer en Association ;
3 - Identifier les partenaires potentiels, acteurs politiques et administratifs, tout comme acteurs « de la société civile » ;
4 - Présenter le projet aux politiques ;
5 - Élaborer un matériel de qualité pour communiquer ;
6 - Construire au fil du temps le collectif des prochain-e-s résident-e-s ;
7 - Solliciter l’appui d’autres financeurs possibles pour l’activité propre de
l’Association;
8 - Se faire accompagner de « conseils », en phase avec les valeurs du projet et
respectueux de l’autonomie des personnes qui en sont à l’initiative ;
9 - Participer activement aux diverses instances concernées par l’élaboration du
projet ; savoir s’imposer ;
10 - Se faire connaître des divers médias et spécialistes ;
11 - Créer l’évènement ;
12 - Travailler, travailler, travailler en gardant espoir et conviction chevillés au
corps ;
13 - S’appuyer sur les autres projets en cours d’élaboration.
Le comité de parrainage :
Professeur Etienne Beaulieu, Marie-Georges Buffet, Dominique Cabrera, Noëlle Châtelet, Françoise Héritier, professeure au Collège de France, Albert Memmi, Edgar Morin, Michèle Perrot, Michel Rocard.