Une poussière d'étoile pour Nananews.fr
Il était une fois, une graine, une poussière d'étoile, une rien du tout dans le vaste univers, qui fonçait au hasard de ses rencontres planétaires. Lesquelles planètes la renvoyaient encore plus vite vers le vide interstellaire, peu désireuses pour d'obscures raison de l'inviter en leur sein. Or vint le jour, enfin si l'on peut dire car dans l'espace il n'y a de jour que pour une étoile, le reste est nuit. Vint donc le jour où la petite graine parvint malgré tout à entrer dans l'atmosphère d'une petite planète bleue. Un maelström de courants dans la stratosphère lui permit de ne point se brûler pendant sa descente.Las, elle atterit sur un glacier nordique, loin de toutes vies, de toutes terres ou enfoncer ses racines.
Alors elle s'endormit. Bien des années lumière plus tard, une autre petite graine s'en allait voyageant au hasard d'un système stellaire à l'autre. Une graine d'homme expulsé d'un monde inconnu il y avait si longtemps qu'aucune mémoire ne se préoccupait de s'en souvenir. D'ailleurs une graine d'homme, qu'est-ce que c'est. Parlez-moi d'une graine de plante. Cela c'est quelque chose. Cela pousse, ça monte vers la lumière, ça fait des fleurs toutes plus belles l'une que l'autre. Parfois même ça fait des fruits. On appelle ça une graine d'amour.
Non ? Une graine d'homme, c'est une catastrophe annoncée. C'est égoïste, égocentriste, menteur, affabulateur, prétentieux, guerrier voire même assassin si ce n'est pas ordurier...
Bref, qu'est-ce qu'une graine d'homme fabriquait dans un tel espace. Si vaste qu'aucune mesure de temps ne pouvait le définir. Or cette petite graine d'homme si peu amène, s'en vint à s'enfoncer lentement dans une atmosphère bleutée pour amerrir en douceur dans un océan. Une foule de graines d'homme eut dû se précipiter à sa rencontre, comme autrefois. Il y avait bien longtemps hélas, avant que des évènements tout à fait naturels n'aient raison de toutes ces graines, si violentes et haineuses les unes envers les autres. Donc esseulée dans ce monde désert, cette graine d'homme s'en vint à construire un petit abri pour attendre. Mais, attendre quoi ? Qu'espère-t- il ce bougre d'homme qui ne veut pas perdre espoir ? Il n'y a rien sur cette planète qui puisse l'intéresser...
Pourtant, il y a le soleil, qui fait fondre la glace. Il y a le vent qui fait s'envoler les poussières haut dans le ciel. N'y a-t-il pas des sables qui voyagent sur des milliers de kilomètres ainsi. Il y a l'hiver qui gèle l'eau. Il y a l'eau qui entoure un grain de poussière et crée un flocon. Un flocon de neige. Et voilà l'homme qui met le nez dehors. Il tend la main. Un petit flocon se dépose mollement dans sa paume. Il regarde éblouit, surpris, le coeur battant la chamade. Il s'étonne. Il dit que ce n'est pas possible. Il n'y a que dans les contes que ce genre de chose arrive. Pourtant elle est là et elle fond lentement, comme effrayée. Alors il referme délicatement les doigts, laisse couler un peu l'eau et ouvre la main. Il y voit la graine et s'assied en pleurant. Au bout d'un moment, un petit moment, un tout petit moment à l'échelle du temps et de l'espace, il se lève et prenant sa bêche, il racle la neige. Il racle la glace. Il ouvre la terre gelée. Il la retourne, la socle, la pétrit. Puis très délicatement, il y dépose sa petite graine...
Quelques temps après, enfin, un perce neige se développe sur la blancheur immaculée et froide du sol. Une petite graine d'homme peut s'agenouiller alors et précautionneusement, approche son visage et ses lèvres vers la fleur. Il souffle doucement sur elle pour qu'elle ouvre ses pétales. Car ce perce neige là, extrêmement rarissime, ne s'ouvre que sous le souffle d'un poète.
L. Y. SENECAL.