La France, transfuge de la liberté ?
2012 aura vu la chute de deux monolithes de la politique.
Deux rocs qu’on imaginait indestructibles sont aujourd’hui à terre, et pourtant…
Au-delà des erreurs, des outrances et des excès qu’ils ont commis, des colères et ressentiments légitimes qu’ils ont générés, au-delà de la jubilation de certains à les voir réduits et de leur joie ressentie comme un dû, il y a quelque chose de tragique dans ces destins brisés, infiniment de tristesse dans ces passages de la lumière à l’ombre, à être détesté et haï après avoir été tant aimé.
Cela donne à réfléchir à la nature humaine capable dans l’instant de tuer aujourd’hui ceux qu’elle vénérait hier et qui recommencera demain avec d’autres.
Les hommes ont cette nécessité du parricide, de tuer le père pour prendre sa place « la place » unique au sommet d’un pouvoir non partagé.
Évidemment, n’ayant le plus souvent pas les forces et la science qu’il faut pour combattre, ils délèguent à « des gladiateurs », le soin de lutter pour eux, mais, ainsi que dans les jeux du cirque, ne développent aucune bienveillance envers ceux qu’ils choisissent pour champion, et c’est sans état d’âme qu’à la moindre faiblesse, ils les fracassent debout.
Dominique Strauss Kahn et Nicolas Sarkozy sont des gladiateurs d’espèce en voie de disparition. Des dinosaures avec des méthodes de primitifs, émotifs et capables d’excès et de démesure en tout, mais des carnassiers qui montrent leurs dents et leurs écailles pour dérouter l’adversaire, dont on connaît les armes et qu’on peut affronter, d’homme à homme, en quelque sorte. C’est à la fois leur faiblesse, ce qui les fait chuter, mais aussi leur grandeur d’être simplement « homme ».
Avec l’élection de F.Hollande, nous quittons l’homme, ses outrances et ses imperfections, pour une normalité où la baguette et le camembert remplaceraient les fastes élyséens (sauf que Hollande est un assidu de chez Lasserre qui n'a rien à voir avec le bistrot du coin) et que le bon ton sera désormais de parler épicerie, d'avoir la voix basse et le regard humble. Une "Hollande attitude" que les médias et courtisans habituels portent déjà aux nues comme l'idéal à suivre.
Nous quittons la créativité brouillonne, l'exaltation et le panache insolent, mais aussi l'aptitude à inventer et à imaginer, l’indiscipline qui permet la liberté et les révoltes, les changements nécessaires à l’évolution des sociétés, qui donna la République, la laïcité et les droits de l’homme et nous passons de l’individu au groupe, et de l’humanité à l’appareil de parti qui privilégie un clan et une tribu dans des cadres définis et contrôlés plutôt que des individus capables de réfléchir seul, de penser et de vivre sans béquilles, désireux de gambader hors des rails et des principes établis.
Nicolas Sarkozy et Dominique Strauss Kahn, qu’on les aime ou pas, que l’on soit pour ou contre, de gauche, de droite ou du centre, d’un bord à l’autre d’un genre humain constamment en quête de dieux, ont eu en commun une force vitale peu commune, peut-être la prédation, c’est certain l’instinct de survie, mais aussi du courage. Un authentique courage et des énergies qui les animèrent tous les deux, dans lesquelles l’absence d’inhibitions et le manque de scrupules ne furent pas exclus, mais qui si elle s’apparenta à celles des loups et des chefs de meute, fut une nécessité dans le cercle des hommes bêlants qui les entourèrent, plus ou moins rapprochés et prompts à se mettre dans leurs pas, dans l’espoir d’y récupérer un peu de cette aura singulière qui séduisait les foules et qui les magnifièrent au point qu’elles s’allièrent à eux, plus pour ce qu’ils étaient, que pour leurs programmes.
Des fédérateurs en somme, qui nous ont exaspérés, que nous avons haïs ou craint, mais estimés aussi. Parfois même aimés…
Avec le PS et F.Hollande, une ère nouvelle s’ouvre faite de promesses incertaines et de compromis où l’humanité pensante sera confrontée aux apparatchik du pouvoir, bien plus qu’elle ne crût l’être du temps des deux titans de la politique que furent Sarkozy et DSK.
Pourtant malgré tout et parce que l’histoire récente de la chute du mur de Berlin le démontre, il arrive que les appareils les plus lourds soient brisés et que les rêves s’accomplissent…