Démocratie de l’émotion et
politique du bac à sable
par Christian Duteil
Nous vivons dans une démocratie non seulement d’opinion mais aussi d’émotion qui joue sur la sincérité de l’instant tout en interdisant le véritable débat de fond. C’est la foire du «tout-à-l’ego» et du «moi je».
Le pathos est à l’ordre du jour dans ce « live » permanent qu’on nous livre en pâture. La réactivité et la détermination, qualités réelles face aux urgences, ont dans la société d’aujourd’hui pour contrepartie des paroles en l’air et des initiatives intempestives qui saturent l’agenda de la campagne.
A coup de surenchères et de « petites phrases » qui font l’actualité, les divers candidats cherchent vaille que vaille à capter l’inconscient collectif. Chaque jour surgit une proposition détachée de son contexte et de son projet d’ensemble dans cette « politique du bac à sable » qui multiple les fausses thématiques, les marquages à la culotte et les attaques personnelles. Et puis une nouvelle chasse vite l’autre jugée pourtant hier comme d’une absolue nécessité : qui se souvient, par exemple, du projet sarkoziste d’augmentation de 30% des surfaces constructibles ? note le sociologue Jean-Louis Missika.
La crise dans laquelle nous sommes plongés n’est pas seulement financière et économique, elle est aussi et d’abord un manque criard d’idées novatrices et de concepts fondateurs. Comme le déclarait récemment Michel Rocard, « nous sommes dans l’imbécillité politique collective. La vraie marge de manœuvre, c’est la compréhension politique de l’opinion, d’où l’importance d’en parler ». Sans pour autant succomber au populisme de droite comme de gauche… aussi vulgaire que malsain.
La France profonde a du mal à reconnaître que le monde change et que la mondialisation est en marche de manière inexorable. Elle a du mal à accepter l’étrange et la complexité qui est au cœur même de la post-modernité naissante du XXIe siècle. Le monde galope, bouge dans des conditions gigantesques et nous, nous somnolons dans le déni et marchons au pas. Pas seulement les corps intermédiaires et les syndicats comme le prétendent ceux qui quémandent nos suffrages…
On apprend ainsi que près d’un tiers de nos compatriotes serait tenté par l’abstention le 22 avril alors que les 2/3 trouvent peu satisfaisante et consternante cette campagne électorale qui n’évoquerait pas les « vrais » problèmes des Français et de l’Europe. Exit alors la démocratie parlementaire et participative ? On croit rêver et entendre un remake du vieux slogan gauchiste : « Elections, piège à cons ! » ça promet surtout des lendemains qui déchantent et une belle gueule de bois après avoir avalé les couleuvres et la langue de bois des uns et des autres.
Franck Lepage : la langue de bois décryptée avec humour !