Médias : Ce troisième pouvoir qui vous contrôle.
Il y a quelques années, sous la pression médiatique qui le harcelait, Pierre Bérégovoy s'est suicidé.
Il y a plusieurs mois, Christophe Nick au travers d'un film retransmis sur France 2, a repris l'expérience de Stanley Milgram, mais revisitée sous le prisme de la télévision, pour cerner au plus près le danger inhérent à son utilisation extrême dans ce que l'on appelle communément la télé-réalité.
Ce soir-là, en direct devant des millions de téléspectateurs, 81 personnes sur 100 ont tué un de leur semblable, seulement parce qu'une autorité leur en avait donné l'ordre et l'injonction.
C'était terrifiant, et ma panique fut égale à celle éprouvée quelques semaines auparavant alors que j'observais le lancement de l'émission « La ferme réalité ». Une panique qui m'avait fait réagir dans l'élan et écrire une chronique sur le monde.fr, intitulée « Meurtre en direct sur TF1 ; mais la même panique que lorsque voulant parler de procédés, et d'éthique de l'information transgressée par F.Aubenas, dont la déontologie me semblait floue malgré ses bonnes intentions revendiquées, je m'étais trouvée face à un barrage communautariste et tribal.
Aujourd'hui, l'outrance avec laquelle agissent certains médias envers Dominique Strauss Kahn s'apparente sans conteste à une mise à mort programmée du même ordre que celle du film de Christophe Nick. Une volonté destructrice qui n'a plus rien à voir avec un désir de justice ou d'information, mais à une déviance hélas très humaine, de celles qui au travers de l'histoire ont édifié les pogroms et les autodafés, les crimes les plus odieux.
Mais, pire encore que cet acharnement « à la mort » sur cet homme devenu le bouc émissaire, la bête et l'hydre à sacrifier au bonheur du monde et au culte de l'argent et de l'audimat, les propos malveillants, voire mensongers et déformés dans le seul but de racoler et contrôler des lecteurs, répétés d'heure en heure par les médias, entraînent dans leurs dérives médiatiques, les lecteurs qui les lisent ou les regardent.
Et je me pose la question, et je vous la pose : Jusqu'où peuvent-ils aller ou pas ?
Où se situe la ligne infranchissable et ce que l'on doit s'interdire ou interdire ?
À quel moment le voyeurisme prend le pas sur le professionnalisme et la volonté de nuire sur la compréhension des faits ?
Mais, surtout, comment endiguer le consensus parfois mortel qui peut en découler ?
Le plus grave en fait, celui qui fait marcher les populations dans le sens désiré par une petite minorité manipulatrice. Celui qui transforme des personnes gentilles en bourreaux sans conscience. Celui qui englue toute volonté personnelle dans un collectif fédéré et meurtrier.
Celui qui fait appuyer sur le bouton qui tuera, simplement parce que l'on aura, à notre insu, été intoxiqué pour le faire.
Faudra-t-il que Dominique Strauss Kahn épuisé et anéanti (ce qui semble être le but recherché) se suicide à son tour pour que l'on prenne conscience, soudainement hébétés par le drame ainsi que nous le fûmes pour P. Bérégovoy, de l'impact des médias sur nos consciences et notre pensée, sur nos agissements ?
Face à des dangers réels de contrôle des populations par des médias affiliés aux pouvoirs politiques et financiers en place, il est impératif pour chacun de nous, de redécouvrir du sens critique et une pensée claire et dégagée, distante de soi pour mieux appréhender ce qui entoure, ce qui se fait et se vit.
On peut avoir tort ou raison contre tout le monde et l'on peut se tromper, mais ce qui importe c'est d'être un individu réellement libre dans sa pensée, et j'ajouterai, capable d'insoumission, de rébellion et de transgression de la loi quand cette loi est inique et injuste. Inhumaine.
Le soir de la diffusion du film de Christophe Nick, 19 personnes sur 100 furent capables de dire « non ».
Non à la torture, non aux sévices, non et encore non malgré les injonctions à continuer.
Alors, c'est vrai que c'est peu 19 personnes sur 100, mais quand même, c'est réconfortant de savoir qu'au milieu des exactions d'un monde où les médias sont investis d'autorité planétaire, des personnes peuvent trouver la force de s'opposer à des ordres, des voix peuvent s'élever pour arrêter les souffrances et inverser les processus, que « des justes » sont encore porteurs d'humanité.
L.G