L'Elu, par Chaïm Potok
Chaïm Potok (1929-2002), est ordonné Rabbin Massorti à l’âge de 25 ans, et parallèlement, il obtient un diplôme de littérature anglaise. Il est un parfait exemple du romancier juif en perpétuel questionnement, qui décrit un monde dans lequel le judaïsme n’est pas seulement une origine familiale ou un destin imposé par l’histoire, mais une vocation librement consentie et vécue dans toute sa richesse humaine et spirituelle. |
Chaïm Potok est - aux côtés d’Isaac Bashevis Singer, entre autres - l'un des représentants les plus talentueux de cette "école juive new-yorkaise" et aussi, l'un de ceux qui ont donné le contenu le plus universel à cette forme particulière de l’écriture romanesque, devenue presque un genre littéraire : le roman juif américain. L’Elu marque vraiment ses débuts en tant qu’écrivain en 1967. Le thème central de ses romans reste les tensions entre le judaïsme, les valeurs et la culture de la société moderne.
Nous sommes à New York en juin 1944. L'Elu, c'est l'histoire de deux communautés du quartier juif de Brooklin, où hassidiques et sionistes s'opposent, et se heurtent dans leurs divergences radicales quant à leur manière de vivre et de concevoir le judaïsme. Mais c'est surtout l'histoire de Reuven et Danny, le récit poignant d'une amitié improbable et bouleversante entre deux adolescents exceptionnels de chacune des communautés. Ils nous emmènent dans l'univers du Talmud qui attise l’esprit critique, et soulève des milliers de questions, et on en vient à se passionner avec eux pour les querelles théologiques qui les embrase, où la connaissance devient source de vie.
Potok réussit à nous faire partager intensément les dilemmes et les tensions vécus par ses personnages, divisés entre la fidélité à la tradition dans laquelle ils ont grandi et leurs aspirations intellectuelles.
C'est aussi les relations émouvantes et complexes entre les pères et les fils, au travers de cette confrontation de deux univers opposés, où l'on se dispute avec dignité ! Il y a ces deux belles figures paternelles. Le père de Reuven, un érudit traditionaliste, personnage touchant, vivant et protecteur, un guide spirituel pour son fils. Et le père de Danny, un tzaddik, chef d’une communauté juive très orthodoxe. Bizarrement, la retenue, la rigueur et la sévérité qu'impliquent sa position et ses croyances font de lui un personnage pour lequel on éprouve de la compassion.
L'Elu est un magnifique roman, marquant et d'une rare authenticité, qui peut émouvoir jusqu'aux larmes et dont on se souvient longtemps.
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