le sourire des cardiodames
(Cette interview a été réalisée dans la banlieue lyonnaise dans un centre de rééducation à l’effort le mercredi le 25 / 10 / 11. Elisabeth et Chrystelle, victimes chacune d’un accident cardiovasculaire nous font part de leur « aventure » et de leurs perspectives. Pascal, les interviewe.)
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Pascal :
Bonjour Elisabeth, bonjour Chrystelle. Nous nous retrouvons ici en centre de rééducation pour personnes ayant subi des accidents cardiaques. Contrairement à une idée répandue, les hommes ne sont pas les seules victimes de ces accidents. Nous allons profiter de vos sourires pour informer et rassurer les personnes en général, les femmes en particulier, sur les conséquences d’un accident cardiaque.
Que vous est il arrivé ?
Chrystelle
Je suis suivie depuis l’adolescence pour une insuffisance aortique que l’on appelle plus communément un souffle au cœur, donc quelque chose d’assez bénin. Au mois de juillet, lors de ma visite de contrôle, on s’est aperçu que je présentais un anévrisme de l’aorte. L’aorte qui devait faire à peu près 30 millimètres en faisait 62. Donc, il a fallu faire une prise en charge chirurgicale assez urgente. Cette chirurgie consiste à ouvrir le thorax par une sternotomie et remplacer cette aorte pathologique.
Elisabeth
J’ai trente trois ans. J’ai fait un infarctus du myocarde cet été au mois d’août sans raison apparente mise à part l’hérédité et très probablement le tabac et pilule.
Les symptômes de l’infarctus, ont été une grosse douleur dans la poitrine, un malaise, des bouffées de chaleur, des fourmis dans le bras irradiant se développant complètement dans le bras. Ma prise en charge s’est faite par la pose d’un stent par angioplastie.
Pascal
Pour les personnes qui n’y ont pas été confrontées, précisons qu’un stent est un petit ballonnet, sorte de ressort, que l’on introduit par les miracles de la technologie médicale moderne au fin fond de notre corps et plus précisément à proximité du cœur, très souvent dans l’aorte mais pouvant se situer dans d’autres artères.
Pascal
Chrystelle, peux tu nous dire ce que ça a pu générer chez toi en tant que femme ?
Chrystelle
Etant sportive, je ne consomme ni alcool ni tabac donc, il a été difficile d’admettre que je puisse être confrontée à un problème cardiovasculaire. je ne suis pas sure que l’impact soit différent pour un homme ou une femme.
Pascal
En fait, tu penses qu’il n’y a pas de spécificité repérée pour la femme ?
Chrystelle
Ma pathologie de l’anévrisme de l’aorte n’est pas dépendante du sexe ou de l’âge C’est plutôt un facteur congénital. Par contre, exerçant une profession médicale, étant chirurgien dentiste, j’ai tout de suite compris la gravité et les risques de cette intervention qui nécessite une circulation extracorporelle avec arrêt du cœur au cours de l’intervention de l’ordre de 76 minutes pour moi. C’est la gestion de cet aspect là qui a été difficile...
Pascal
Autrement dit, l’idée d’avoir son cœur interrompu pendant 76 minutes est terrifiante.
Chrystelle
On a l’impression qu’on va mourir pour, ensuite, espérer revenir à la vie grâce aux techniques médicales. Il faut avoir une grande confiance dans son chirurgien…
Elisabeth
Quant à moi, étant moi aussi du milieu médical, je suis aide soignante, malgré la connaissance des symptômes… c’est très difficile de se dire que ça nous arrive à nous… surtout à mon âge. Psychologiquement, c’est très dur… même si on sait qu’il faut avoir une vie saine, équilibrée… de se retrouver dans cette position là… pour une femme… et à mon âge…
Pascal
… on sent, sans toucher au pathos, on sent beaucoup d’émotions sous jacentes dans ces propos, on sent que c’est très présent.
Chrystelle
Oui, ce n’est pas facile d’en parler, on est à deux mois post opératoire…. C’est encore très présent.
Pascal :
Quel effet sur vos proches ?
Chrystelle
Pour moi, ça été très difficile, vis-à-vis de mes enfants qui ont douze et quinze ans… j’attendais d’eux qu’ils soient attentifs, attentionnés à mon égard et il n’en fut rien du tout. Ils ont été au contraire très distants envers moi et ça m’a beaucoup surprise, peinée. Au début, je ne leur en ai pas parlé. Ensuite, j’ai abordé ce problème avec eux. J’ai compris en fait que, pour eux, c’était une manière de se protéger que de ne pas trop en savoir…
Pascal
Effectivement, ça peut surprendre qu’ils réagissent de cette manière là… mais peut être que pour eux le choc a été beaucoup plus violent que ce que tu pouvais imaginer.
Chrystelle
Oui, tout à fait quand on est concerné par l’intervention, en plus étant d’un milieu médical, je savais exactement de quoi il retournait. Pour eux c’était l’inconnu… On a diagnostiqué ce problème trois jours avant de partir en vacances donc ils avaient l’esprit vacances et le choc a été violent, je pense.
Pascal
Est-ce que ça veut dire que si cela c’était produit en dehors des vacances, tu penses que le choc aurait été moins difficile ?
Chrystelle
Oui, l’esprit était à la détente et aux vacances et ça a été plus difficile pour eux. Les enfants restent égoïstes et j’ai bien senti le fait que ça allait les priver de vacances…
Pascal
Et ton conjoint ?
Chrystelle
Lui, il était en vacances et ça lui a donc été plus facile à gérer. Mais il ne s’est pas trop exprimé au niveau émotionnel sur cette chirurgie. Par contre, il était avec moi lors de l’entretien avec le chirurgien qui s’est voulu très rassurant. Il a donc été très rassuré…
Pascal
Et pour toi, Elisabeth ?
Elisabeth
Pour moi, qui ai deux enfants de trois ans et demi, des jumeaux, une fille et un garçon, je pensais que ça c’était plutôt pas mal passé… Deux mois après, mon fils commence à s’exprimer en nous disant qu’il ne veut pas dormir parce que Maman est malade… qu’elle a des petites choses... à trois ans et demi… ils ont bien compris pourquoi j’étais partie à l’hôpital. En utilisant des mots simples, on arrive à leur expliquer et à les rassurer.
Pascal
En dehors de ton absence, tu penses que tes enfants ont compris la gravité de la situation ?
Elisabeth
Peut être pas la gravité mais le fait que j’ai été hospitalisée… que je ne peux donc faire ce que je faisais avant… ça, ils l’ont bien assimilé… de là à dire qu’ils ont assimilé la gravité de la situation, je ne le pense pas !
Pascal
Ton compagnon ?
Elisabeth
Mon mari a été très très inquiet, car on n’était pas en France quand ça s’est passé. On était en vacances, dans un pays de l’Union européenne heureusement. Du coup, il se demandait si ma prise en charge allait être suffisante ? Est-ce que tout avait été fait pour que ça se passe bien ? Maintenant, je pense qu’il est rassuré.
Pascal :
Si on regarde maintenant les perspectives, est ce que pour l’une et pour l’autre vous avez le sentiment que cette aventure, cet accident gravissime a changé quelque chose sur votre regard sur votre vie quotidienne, l’avenir ?
Elisabeth
Oui, je n’étais pas du tout sportive, la rééducation m’a montré l’importance du sport et surtout l’endurance pour prévenir la maladie cardiovasculaire. Si je peux donner un conseil, il faut lever le pied, garder une vie sereine…
Pascal
Tu envisages les mois, les années qui viennent de la même manière ? Oublions la cigarette 5 minutes, et Dieu sait si c’est difficile !
Elisabeth
Non, pas tout a fait. J’ai bien entendu arrêté la cigarette. Ma vie, ce sera toujours ma famille mais en rajoutant des choses très importantes pour la santé et tout en gardant le quotidien… mais en levant le pied.
Chrystelle
Ces hospitalisations m’ont permis de réfléchir. Je pense que si je suis là, ce n’est pas tout à fait par hasard, Ma vie d’avant ne correspondait pas vraiment à ce que j’attendais. Donc, j’ai décidé de modifier des choses sur le plan professionnel et personnel. Sur le plan professionnel, j’exerce un métier qui occasionne beaucoup de stress. J’envisage de travailler un peu moins et de manière moins soutenue.
Sur le plan personnel, prendre beaucoup plus de temps pour moi… m’accorder plus de temps…. Et cesser de penser aux autres mais penser plutôt à ce qui est bon pour nous. Et pour une maman, ce n’est pas facile !
Pascal
Oui, parce que les enfants n’ont que faire de ce qui arrive aux parents en règle générale, surtout quand ils sont petits. Et ce qui vous est arrivé risque d’avoir peu d’impact… pourtant, il faudra bien le traiter…
Chrystelle
Les enfants, on se donne beaucoup à eux, et c’est normal, mais on se rend compte qu’ils sont très macrophages… ce n’est pas péjoratif… mais c’est quand même ce qui se passe…
Pascal
Que voudriez vous dire aux lectrices de Nananews par rapport à ce qui vous est arrivé ?
Chrystelle
Très peu de personnes sont conscientes de l’importance de l’activité physique car même pour les personnes qui ne présentent pas de trouble cardiovasculaire, un sport d’endurance est nécessaire au rythme de 3 séances de 50 minutes par semaine. On se rend compte que très peu de gens prennent se temps là. Donc, exercer un sport d’endurance régulièrement…
Elisabeth
…une bonne alimentation…
Chrystelle
Et surtout savoir ce qui est bon pour soi, faire en sorte de faire les choses de manière apaisée.
Pascal
Vous ne sentez pas l’avenir dans un « carcan » ?
Chrystelle
Oui, on va enfin apprendre à devenir un peu égoïste, c’est nécessaire. J’avais l’impression que la vie allait plus vite que moi.
Pascal
… la vie qui va plus vite que soi…
Elisabeth
Trouver un rythme qui convienne à chacun tout en respectant un temps de sport, une bonne hygiène de vie.
Pascal :
On peut dire que vous êtes optimistes pour l’avenir, que l’avenir est toujours bleu ?
Chrystelle
Je reste très confiante, j’ai compris que j’étais l’actrice de ma vie, que moi seule possède la clef pour une vie meilleure ; il me reste à trouver la bonne serrure…
Elisabeth :
Exactement pareil. En rééquilibrant ma vie, je vais tout mettre en œuvre pour que l’avenir soit long. Je vais tout mettre en œuvre pour avoir un avenir très long…
Chrystelle
C’est un évènement que l’on ne peut jamais oublier. En effet, suite à ma sternotomie, je vais garder une cicatrice de façon permanente… donc, c’est une page que l’on va pouvoir tourner mais ne pas oublier.
Pascal
Nous allons vous remercier. Le ciel est très bleu. Les arbres ont définitivement tourné au jaune et au rouge. C’est une très belle journée d’automne. Vos paroles ont sonné juste. A la fois concrètes et vraies, vous avez informé les femmes que l’accident cardiaque peut aussi leur arriver et, qu’en règle générale, la vie continue. Même parfois plus belle qu’avant. Et que vous restez femmes !