L’avenir du livre face aux nouvelles technologies
Dès son origine, le livre a toujours eu pour utilité de recueillir et transmettre la pensée humaine. Les parchemins, puis l’imprimerie, ont été les outils qui ont permis de la matérialiser et de la diffuser. Mais si depuis le 15ème siècle, les modes d’édition n’ont que peu évolué, l’arrivée du numérique cinq siècles plus tard, et l’apparition de nouveaux supports qui lui sont dédiés, bouleversent fortement cet univers.
Des livres pour tous
S’il ne reste que quelques exemplaires des bibles et des codex imprimés par l’illustre Johannes Gutenberg, les ouvrages publiés les siècles suivants grâce à des inventions comme la linotype (1880) ou l’offset (1940), sont encore matériellement présents dans nos bibliothèques. Le perfectionnement des techniques d’impression, en réduisant le coût de fabrication, a rendu le livre accessible à tous. Des innovations comme le livre de poche, inspiré de l’édition anglo-saxonne et popularisé en France dans les années 1950 par Henri Filipacchi, ont fortement démocratisé l’accès aux grands auteurs de la littérature et au savoir, avec des collections encyclopédiques à bas coût. Mais depuis cette époque, le livre n’avait pas connu d’évolution notoire. Avec l’arrivée du numérique, il est un des rares objets culturels à avoir changé de forme en quelques années.
Livre imprimé ou livre numérique ?
Entre 2012 et 2013, il s’est vendu en France 356 millions de livres « traditionnels », malgré un marché rudement éprouvé (-2,8%) par les fermetures de réseaux de librairies comme Chapitre et Virgin. Dans le secteur du livre numérique, il s’est vendu plus de 5 millions de titres, une part marginale en comparaison mais qui devrait progresser dans les années à venir. L'institut GFK Médiamétrie notait en février 2014 que "près de 3 foyers français sur 10 sont équipés de tablettes tactiles (7.9 millions)". Dans un article intitulé « Nielsen décortique la "crise" du livre dans l'hémisphère Nord » le site spécialisé ActuaLitté rendait compte d’une étude récente concluant que les marchés du livre papier « arrivés à maturité » sont en déclin mais que le livre numérique ne suscite pas pour l’instant un grand intérêt chez les jeunes qui ne lisent pas pour autant.
L’étude qui portait essentiellement sur la consommation des livres aux Etats-Unis et au Royaume Uni, indique que la fiction occupe 53,8 % des ventes totales de livres numériques, contre 36 % des ventes totales de livres papier, aux États-Unis. À l'inverse, les ouvrages « non-fiction » représentent 43 % des ventes de livres papier, contre 31,7 % des ventes de livres numériques, en septembre 2013. Restent, à part, les livres jeunesse représentant 14,5 % des livres numériques et 21 % des livres papiers.
Le livre dans tous ses états
Livre papier ou tablette tactile, le lecteur a donc aujourd’hui le choix du support. Mais « La lecture ne change pas avec le support » rappelle Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition. Et plutôt que de parler d’antagonisme, on peut parler de complémentarité. Ainsi l’édition numérique du best-seller mondial Cinquante nuances de Grey, édité en France par JC Lattès, s’est vendue le premier jour à plus de 2 000 exemplaires et cela n’a pas empêché l’édition papier de s’écouler à plus de 80 000 exemplaires en deux jours. Au total la trilogie de E.L. James a atteint les 100 millions d'exemplaires vendus dans le monde entier. Ironie de l’histoire, la première version du livre était parue en 2011 sous forme... d’e-book. Certains éditeurs, comme les éditions Neowood, se sont construits comme des pureplayers du numérique, mais n’excluent pas définitivement le format papier pour autant : « nous avons fait le choix du livre numérique dès le départ pour l’accessibilité à la lecture qu’il rend possible (format, diffusion, prix) mais aussi pour tout son potentiel technique et éditorial. […] Quant au livre papier, il s’agirait pour nous d’un mode de diffusion supplémentaire (et pas des moindres). […] Pour tout dire, dans un monde idéal, nous aurions souhaité proposer sur notre site la possibilité d’acheter et d’imprimer à la demande nos ouvrages car nous trouvons important de pouvoir offrir le choix du support, que ce soit le type de fichier ou du papier. »
Le numérique permet aussi de redonner vie à des titres introuvables et qui peuvent être réimprimés à la demande. C’est le cas avec la bibliothèque numérique Gallica, un fonds littéraire mis en place par la Bibliothèque Nationale de France qui favorise l’accès à plus de 250 000 titres très anciens ou épuisés. Un grand nombre d'entre eux peut désormais être réimprimé à la demande grâce à la plateforme Hachette-BNF et au premier site d’impression à la demande créé par Hachette Livre, au service des éditeurs et des libraires. Arnaud Nourry, son patron, se déclare « convaincu que l’histoire du numérique dans l’édition ne sera pas celle d’une révolution mais celle d’une transformation et d’une évolution lente et vertueuse dont nos auteurs seront aussi les bénéficiaires. »
L’éditrice Marion Mazauric citée par Actualitté constate également que « Le livre numérique ne tue pas du tout le papier ; au mieux, il accompagne la réduction que l'on constate - et la baisse des ventes est réelle, dans le contexte de crise. Cela nous donnera l'occasion de nous recentrer sur un travail du papier plus intelligent, et en même temps de retrouver la valeur de l'objet. Pour le lecteur même, cette approche sera bénéfique. »
La culture du livre est trop ancienne dans nos civilisations pour croire que le numérique, les tablettes tactiles, les liseuses, et même les smartphones – aux Etats-Unis 55% des e-books sont achetés par leur intermédiaire -, vont balayer le livre. Pour preuve, en 2014, l’éditeur allemand PediaPress a lancé un appel aux dons pour publier l’encyclopédie numérique Wikipedia... en version papier.