Que faire pour ne pas mourir idiot devant la télé ?
Que faire pour ne pas mourir idiot
devant la télé ?
Il paraît que nous regardons moins la télé que ne le croyaient les experts en marketing. Mais au vu des lueurs bleutées qui agrémentent les fenêtres dès la nuit tombée, nous sommes encore nombreux à succomber aux charmes du petit écran. Le camp de ses détracteurs gagne pourtant du terrain. Ne lui reproche-t-on pas d’avoir contribué
à l’éclatement du noyau familial, d’abrutir nos gosses, de couper ses adeptes du monde réel, de nous injecter à haute dose une pensée unique et conditionner nos besoins par la publicité ? Aussi, on se demande parfois si l’on ne ferait pas mieux de jeter
ce sale petit écran par la fenêtre....
ArrEter ? Pas si simple.
Si vous avez décidé d’interdire la télé de séjour chez vous, sachez que vous allez vous attirer pas mal de regards en coin et d’idée reçues. Les extrémistes, d’un côté ou de l’autre, n’ont pas bonne presse. Ne pas avoir la télé, c’est aussi louche que de passer toutes ses nuits devant. Ne vous étonnez pas si l’un de vos enfants vous demande à brûle-pourpoint : ”T’es devenue aussi végétarienne, maman ?”. Ou si votre mari, qui resté muet toute la soirée depuis que vous avez annoncé que vous comptiez enlever le petit écran du salon, cherche à vous faire avouer dans votre chambre, sur l’oreiller, que vous êtes entrée dans une secte. Contrairement à ce que l’on croit, le sevrage à l’opium cathodique peut aboutir à l’exclusion sociale.
C’est une décision difficile à prendre sur laquelle il ne faut pas s’engager à la légère. Pesez bien le pour : vous allez retrouver chaque jour cette ambiance familiale qui vous manque tant et que vous ne connaissez pour l’instant qu’une fois par an, à Noël ; et le contre : vous allez vous retrouver attablée face à des visages fermés, hostiles pour la plupart, dont certains se sont déjà organisés en complot dans le but de vous faire revenir sur votre décision. La guerre d’usure est engagée. Qui craquera le premier ? Eux, qui ont pour le moment décidé de courber l’échine sous vos lubies et de se passer de cartoons, de jeux idiots et de J.T. ? Ou vous, qui allez devoir affronter leurs sempiternels regards réprobateurs à l’approche de l’heure du film et inventer chaque soir de nouveaux sujets de conversation pour meubler les dîners sans parole ? Ne pariez-pas. Ce sera vous.
Remplacer la télé
par un aquarium
De toute façon, votre mari ne s’est pas installé depuis un quart d’heure devant le poste qu’il se met déjà à ronfler et vos enfants ne la regardent que d’un œil distrait entre deux bagarres ou des parties de jeux de l’oie. Alors l’idée a germé dans votre tête de faire dessertir le tube cathodique par un spécialiste et de le remplacer par un aquarium aux mêmes dimensions. Bonheur : à la place du “Juste Prix” et de “La Roue de la fortune” qui commençaient sérieuse-ment à vous courir sur le haricot, le petit écran est devenu le théâtre d’un somptueux ballet aquatique où évoluent des myriades de poissons aussi colorés qu’exotiques. C’est beau, c’est calme et détendant, et ça ne donne ni les cours de la bourse dont vous vous fichez éperdument, ni la météo qui vous rappelle cruellement chaque jour que vous n’avez pas les moyens de partir en vacances. Votre mari s’est comme chaque soir endormi dès que vous l’avez allumée et vos enfants croient qu’il s’agit d’une rétrospective sur la vie du commandant Cousteau. Ils se sont désintéressés du programme au profit de leur console Nintendo. Vous vous croyez à l’abri du danger ? Erreur. Votre mari, pris d’un subit accès de courage, vient d’ouvrir un œil torve et de marmonner dans sa barbe : ”Elle a une drôle de tête Claire Chazal, tu ne trouves pas ?”. Eh oui, vous aviez oublié que ce soir se joue la demi-finale de coupe d’Europe. Auriez-vous l’aplomb nécessaire pour lui faire croire que le match a été remplacé par du water-polo ?
Ne choisir que
de bonnes émissions
Là serait la solution : ne choisir que des programmes dignes de ce nom. Mais lesquels ? Là est la vraie question. Vous avez bien sûr profité du seul moment où la famille est vaguement rassemblée — le dîner — pour soumettre votre projet culturel aux membres de votre foyer. Naïve, vous pensiez que vous alliez vous retrouvez devant des opéras d’Arte, voire quelques films à valeur didactique triés sur le volet. Vous pensiez que vous alliez devenir aussi cultivée que B.H.L et que l’art funéraire égyptien n’allait plus avoir aucun secret pour vous... Et, bien sûr, vous vous êtes fait traiter de fasciste par Marie, votre fille, en pleine rébellion adolescente qui vous a jeté en pleine face qu’un ”bon programme doit se choisir démocratiquement”, c’est-à-dire voté à main levée au cours d’assemblées plénières pré-dinatoires. Résultat : c’est encore “La Grande Vadrouille” qui a été choisie sous le fallacieux prétexte que Marie avait un exposé à faire sur la Seconde Guerre mondiale. Qui a dit que la télé avait rompu le dialogue familial ?
Réinventer les bonnes
veillées d’antan
Ah les joies des veillées hivernales de nos grands-pères ! On y faisait cuire des marrons dans les braises pendant que les enfants écoutaient en frissonnant les histoires fantastiques de l’aïeul. On savait se parler en ce temps-là, profiter de la joie simple de se retrouver pour échanger son point de vue. Aussi avez-vous décidé de redonner à votre famille un peu de la chaleur d’antan. Vous avez sorti le Scrabble et le Risk des placards, acheté une bûche électrique pour parfaire l’ambiance et révisé l’almanach Vermot pour être parée à tous les calembours au moindre temps mort. Ne croyez pas avoir remporté la partie pour autant. La bande de téléphages avec qui vous partagez votre toit est loin d’avoir dit son dernier mot. Vous auriez dû vous en douter pendant le jeu des métiers où on ne vous a servi que des “speakerines”, des “commentateurs de foot” et autres “imitateurs pour Fa-Si-La chanter”. Vous auriez encore dû vous méfier lorsqu’on vous a proposé un nouveau jeu et que les enfants se sont enthousiasmés à l’idée de transformer les chaises en vachettes et que votre mari s’est emparé d’une carotte pour s’en servir comme d’un micro. Maintenant, “qui veut gagner des millions”, l’émission que vous détestez par excellence, ce sera tous les soirs. Impossible d’y échapper, c’est vous qui avez lancé l’idée. Gageons que dans moins d’une semaine vous implorerez à genoux qu’on revienne aux soirées télé. Au moins quand il dort devant l’écran bleuté, votre mari ne vous appellera plus Laurence Ferrari et vos bibelots ne serviront plus de cibles au “Chamboule-tout”.
Reléguer la télé
dans les chambres
A priori, ça peut sembler une bonne idée de transiger avec le vice. D’accord pour la télé, mais à condition que chacun la regarde dans sa chambre et préserve le salon familial de son ronron intempestif. Tout le monde est tombé immédiatement d’accord sur ce principe ô combien novateur. Petit inconvénient : la solution se révèle un brin onéreuse. Vous avez dû investir dans trois nouveaux postes TV pour que chacun ait le sien. Et celui du salon s’est retrouvé sur la commode de votre chambre à la place de la collection de chouettes en céramique qui vous rendait si fière. Mais que ne ferait-on pour la bonne cause ?
Le problème — sincèrement vous doutiez que cela allait se passer sans problème ? — c’est que vos enfants disparaissent maintenant dès qu’ils rentrent de l’école dans leur chambre en prétextant des tonnes de devoirs en retard. Et que votre mari, qui vous avait toute émoustillée en vous demandant ce soir de vous coucher plus tôt que d’ordinaire, a pris dans la chambre les habitudes qu’il avait au salon : dormir du sommeil du juste devant l’écran zonzonnant. Dommage, vous lui auriez bien prouvé qu’il n’y a pas que sur Canal+ qu’on peut bénéficier de leçon d’anatomie comparée. Alors faute de mieux, vous tentez vainement de tuer le temps devant un épisode de MCiS que vous avez déjà vu trois fois.
AUTRES SOLUTIONS
Offrez votre télé à une personne à qui vous voulez du mal.
Ranger là au grenier ou à la cave.
Mettez là dans votre maison de campagne.
Posez-là (sans bruit) le soir juste à coté des poubelles. Comme par enchantement elle aura disparue au petit matin.
Echangez-là contre une pile de livres, de plantes ou contre un aquarium.
Kaktus.