La guerre d'Iran n'aura pas lieu...
Par Lucie
Depuis quelques mois, des « fuites » savamment organisées font état d'une forte probabilité d'attaque des installations nucléaires iraniennes pour l'été 2012 ; des frappes israéliennes, qui entraineraient les USA, puis par le jeu des alliances l'Otan et donc l'Europe. Mais que nos vacances soient gâchées par une campagne militaire est hautement improbable : Voici pourquoi...
Déjà, et avant toute chose, je postule avec force que l'Etat d'Israël n'a aucune intention de frapper militairement l'Iran. Guerre psychologique, guerre des services, sabotages et assassinats ciblés, soutien aux différents groupes iraniens opposés au gouvernement : évidemment. Les iraniens ne se privent d'ailleurs pas d'avoir recours aux mêmes méthodes, notamment en Irak, en Afghanistan, mais aussi à Bahreïn, en Arabie Saoudite ou au Liban, (cette liste n'étant pas exhaustive). Mais une campagne de bombardements ? Ils ne sont pas fous. Et même s'ils étaient fous, ils resteraient des fous pragmatiques.
L'Iran n'est pas l'Irak de 1980 ou même la Syrie. L'Iran est un pays possédant une capacité de projection à la hauteur de son statut de puissance régionale : que cela soit par des moyens conventionnels (missiles, aviation...) ou par des relais (organisations politiques armées type Djihad Islamique, Hezbollah, Hamas...), et les israéliens en sont bien conscients. Tout comme ils sont conscients que les capacités de défense iranienne donneraient du fil à retordre à leur armée.
Il n'est d'ailleurs pas anodin que les responsables militaire et du renseignement israéliens, dans un bel ensemble, avisent publiquement leur pays et le reste du monde de leur opposition à une frappe préventive. Ils ne cessent de prévenir leurs concitoyens des conséquences désastreuses d'un embrasement de leur région.
En revanche, si l'armée américaine a les moyens de briser les défenses iraniennes, elle n'a pas forcément ceux de s'opposer aux capacités de projection et de nuisance de l'Iran.
Mais au delà des capacités des uns et des autres, les Etats-Unis ont-ils intérêt a rentrer en guerre avec l'Iran ?
Stratégiquement une guerre avec l'Iran n'implique pas qu'un embrasement du Moyen-Orient, cela implique des répercussions sur le commerce mondial (blocage du détroit d'Ormuz), et cela implique aussi une sorte de retour à la guerre froide, voir à une guerre chaude cette fois ci, entre les Etats-Unis et la Russie.
Ce que la Russie voit d'un très mauvais œil arriver en Syrie, elle ne le permettrait pas en Iran. Elle l'a d'ailleurs fait savoir, par des biais diplomatiques, à l'Onu, mais plus fermement encore en renforçant sa présence militaire en Arménie, à la frontière iranienne. En effet, une déstabilisation de son puissant voisin, principale source de ravitaillement énergétique de ses bases dans le Caucase sud, entrainerait probablement une déstabilisation d'une région qu'elle estime lui appartenir tout en minant ses capacités à y maintenir une présence militaire efficace. En cas de conflit entre l'Iran et les Etats-Unis, la Russie a clairement fait savoir qu'elle avait choisi son camp et qu'elle ne resterait pas passivement à observer le spectacle.
Souvenez-vous, il y a quelques années, lors des discussions sur le déploiement de batteries anti-missiles en Europe ; La Russie avait alors montré les crocs publiquement contre les Etats-Unis pour la première fois depuis longtemps. Vladimir Poutine avait dédaigné de répondre aux explications américaines qui faisaient de ce système défensif une réponse à une potentielle menace iranienne et n'ayant en rien un lien avec la Russie (ce qui d'un point de vue tactique est parfaitement exact). Il avait fait de ce déploiement un casus belli, qui avait d'ailleurs stoppé les négociations SALT. Le lien avait été fait clairement : une attaque contre l'Iran est une attaque contre les intérêts russes.
Les Chinois, s'ils n'interviendraient probablement pas ouvertement contre les Etats-Unis en cas de guerre ouverte, ne se priveraient en revanche pas de savonner la planche aux uns et aux autres, profitant d'un conflit qui une fois terminé les verraient ressortir plus fort, de par l'affaiblissement des autres. Mais avant cela, il leur faudrait faire le dos rond en attendant que l'offre de pétrole revienne à un niveau satisfaisant. Pourquoi précipiter les choses avec des risques imprévisibles inhérents à tout conflit, quand on a fait de la patiente construction une voie vers le succès qui continue à faire ses preuves?
Bref, ni les israéliens, ni les américains, ni les russes ni les chinois n'ont intérêt à déclencher une guerre avec l'Iran. Ce dernier à lui intérêt à continuer à négocier finement (comme il le fait si bien depuis plus de 10 ans) afin d'atteindre le seuil nucléaire (ce qui ne veut pas dire la fabrication d'une bombe) sans avoir à subir une guerre sur son territoire.
Alors ces menaces de guerre sont plus à prendre comme de la « diplomatie agressives ». Je te tiens, tu me tiens par la barbichette... Cela n'étant crédible bien sûr que si les différents joueurs sont prêts à mettre leurs menaces à exécution si les circonstances y devenaient propices. Tout l'art pour ces pays réside donc dans leur habileté à maintenir une situation qui leur permet d'éviter le conflit. Et pour l'instant ils jouent plutôt bien ensemble.
Mais nous oublions quelques pays qui eux ont intérêt à voir une guerre être déclenchée. Ou plus précisément, les gouvernements de certains pays qui jouent là leur existence même. La menace iranienne n'est pas tant existentielle pour Israël que pour les monarchies du Golfe, et ces dernières choisiront leur survie quitte à plonger le Moyen-Orient, et potentiellement le reste du monde, dans le chaos.
Le « printemps arabe » prévisible, (et prévu par quelques uns), dès le partition du Soudan n'est qu'une étape de plus dans une politique initiée à la fin des années 1990. Cette étape est celle qui pourrait entrainer les monarchies sunnites du golfes à mettre toute leur (grande) force de persuasion au service de la promotion d'une guerre avec l'Iran.
C'est cette politique et ses répercussions actuelles qui seront le sujet d'un prochain article.