Le Monde | 09.07.2016 à 10h29
• Mis à jour le
09.07.2016 à 10h36
| Par Jérôme Marin (San Francisco, correspondance)
Chiffre rassurant pour l’économie américaine. Après un sévère trou d’air en mai, qui avait ravivé les craintes d’une récession, le marché de l’emploi est nettement reparti à la hausse en juin, enregistrant sa meilleure performance depuis octobre 2015. Le département du travail a comptabilisé 287 000 créations de postes, dans son estimation préliminaire publiée vendredi 8 juillet. C’est nettement plus que les prévisions des économistes. Ils misaient en moyenne sur 180 000 emplois supplémentaires.
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Aux Etats-Unis, pas de demande, pas de croissance La nouvelle a été saluée par les investisseurs. A Wall Street, vendredi 8 juillet, l’indice S&P 500 a gagné 1,5 %, échouant de peu à dépasser son plus niveau historique atteint en mai 2015. Même satisfaction à la Maison Blanche, à six mois désormais de la fin du second mandat de Barack Obama.« Ce chiffre est un signe fort que l’économie continue de réaliser des progrès solides », s’est félicité Jason Furman, le principal conseiller économique du président américain.Les statistiques mensuelles comportent d’autres éléments positifs. Les salaires poursuivent leur hausse, avec un gain de 2,6 % sur un an. Le nombre de travailleurs qui occupent un poste à temps partiel alors qu’ils souhaiteraient un travail à temps plein recule, passant de 6,4 millions en mai à 5,8 millions en juin. En outre, le nombre de demandeurs d’emploi découragés – et qui ne sont plus comptabilisés dans les chiffres du chômage – a baissé de 23 %.Evolutions contradictoiresParadoxalement, le taux de chômage, qui avait nettement reculé en mai, est reparti à la hausse. Fin juin, il s’élevait à 4,9 % de la population active, soit un gain de 0,2 point sur le mois. Ces évolutions contradictoires s’expliquent principalement par l’évolution du taux de participation, c’est-à-dire la proportion d’Américains qui ont un travail ou qui sont à la recherche active d’un emploi. En juin, il est passé de 62,6 % à 62,7 %, soit 415 000 personnes supplémentaires.
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Les créations d’emplois ralentissent aux Etats-Unis Les chiffres de créations d’emplois doivent cependant être relativisés. D’une part, ils ont bénéficié de l’arrêt de la grève chez Verizon. En mai, environ 35 000 employés grévistes de l’opérateur télécoms n’avaient pas été comptabilisés dans les statistiques officielles. Ils ont été réintégrés après avoir repris le chemin du travail. De fait, le secteur des télécommunications a recruté 28 000 personnes en juin, après avoir supprimé 32 000 postes le mois précédent.D’autre part, les chiffres de mai ont été révisés à la baisse. Le nombre de créations d’emplois est désormais estimé à 11 000, contre une projection initiale de 38 000. Il s’agit de la plus mauvaise performance depuis septembre 2010. De quoi provoquer un effet de rattrapage dans plusieurs secteurs ayant affiché des performances faibles : 30 000 postes créés en juin dans la distribution, 60 000 dans les loisirs, l’hôtellerie et la restauration.Anomalies statistiquesDe nombreux économistes estiment ainsi que les deux derniers mois constituent des anomalies statistiques. Pour mieux juger l’état de santé du marché de l’emploi, ils préconisent de suivre l’évolution de la moyenne sur trois mois. La tendance n’est pas positive. En juin, cette moyenne s’est établie à 147 000, soit légèrement plus que le nombre d’emplois devant être créés chaque mois pour compenser la hausse de la population active. Et elle a accusé une forte baisse depuis le début de l’année, lorsqu’elle approchait les 250 000.Dans ce contexte, les avis divergent sur les prochaines décisions de la Réserve fédérale américaineLes chiffres publiés par le département du travail n’écartent donc pas toutes les inquiétudes. Fin juin, l’estimation de la croissance au premier trimestre a certes été revue à la hausse, à 1,1 % en rythme annuel au lieu de 0,8 %. Mais les économistes de la banque JPMorgan chiffrent toujours à 37 % le risque d’une nouvelle récession au cours des douze prochains mois. Ils citent notamment le repli inattendu des ventes de voitures en juin.
Tous les observateurs ne partagent pas cet avis. Pour Andrew Hunter, de Capital Economics, les Etats-Unis ont connu « une accélération marquée de la croissance au deuxième trimestre », comme le prouve le net rebond de l’indice ISM services, qui mesure le niveau de confiance des directeurs d’achat du secteur tertiaire.
Dans ce contexte, les avis divergent sur les prochaines décisions de la Réserve fédérale américaine. La banque centrale a fait part de sa volonté de remonter ses taux directeurs avant la fin de l’année. Mais les mauvais chiffres de l’emploi au mois de mai semblaient avoir écarté cette possibilité.Mi-juin, son comité de politique monétaire avait ainsi opté pour le statu quo, tout en abaissant sa prévision de croissance pour 2016 (de 2,2 % à 2 %).
La donne pourrait avoir changé. M. Hunter anticipe ainsi un resserrement monétaire « dès le mois de septembre ».
« Si la situation du marché du travail n’a pas empiré, contrairement aux craintes des responsables de la Fed, l’amélioration doit encore être confirmée », nuance Dana Peterson, de Citigroup.
« La Réserve fédérale va rester en position d’attente », poursuit-elle. D’autant plus qu’elle n’avait pas anticipé l’issue du référendum britannique sur la sortie de l’Union européenne.
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