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Le Monde | 10.09.2015 à 06h42
• Mis à jour le
10.09.2015 à 07h41
| Par Damien Leloup
Des grands classiques (Crossy Road), des jeux pour consoles (Disney infinity), et des exclusivités (Beat sports) : lors de sa conférence de rentrée, le 9 septembre 2015, Apple a dévoilé une nouvelle version de son boîtier Apple TV, qui inclura pour la première fois la possibilité de jouer à des jeux vidéos grâce à une nouvelle télécommande. Vendue 149 à 199 dollars (132 à 177 euros) en fonction de la mémoire embarquée, l’Apple TV devient donc une sorte de console de salon, bien moins chère que la Xbox One ou la PlayStation 4, mais avec une puissance moindre et un catalogue de jeux différent.Lire aussi : Apple dévoile deux nouveaux iPhone et l’iPad Pro lors de sa « keynote » à San FranciscoL’idée n’est pas nouvelle. Ces dernières années, des dizaines de projets concurrents de « boîtiers connectés » ont émergé, principalement aux Etats-Unis. En théorie, ces produits sont très intéressants : bon marché, ils sont alléchants dans les pays où les fournisseurs d’accès à Internet ne proposent pas de boîtiers « triple play » (Internet, télévision, téléphone) intégrés, comme en France. Outre-Atlantique, ce marché est largement dominé par Apple, la récente Fire TV d’Amazon, et surtout Roku, dont les boîtiers sont en tête des ventes.Se présentant sous la forme d’une clef ou d’un petit bloc plastique, vendus entre 40 et 100 euros environ selon les versions, ils combinent un lecteur vidéo classique, la possibilité de diffuser sur son téléviseur des contenus depuis son ordinateur, la diffusion des chaînes gratuites ou payantes, des applications pour accéder à Netflix et d’autres services de streaming, des locations de films…
Mais à l’exception de la Fire TV d’Amazon, pour laquelle il existe une manette dédiée, ces boîtiers ne mettent peu ou pas l’accent sur les jeux. Pourtant, l’idée d’une console de jeu bon marché a depuis longtemps fait son chemin. Sur le papier, l’idée est excellente : une petite console bon marché, utilisant le système d’exploitation Android de Google, permet de fairetourner sur son téléviseur des milliers de jeux, généralement eux aussi bon marché. Ce type de console est idéal pour des joueurs et joueuses occasionnels ou ne souhaitant pas investir plusieurs centaines d’euros dans une console de dernière génération.La Ouya, idée séduisante et fiasco commercialLe premier projet de ce type, la Ouya, avait d’ailleurs suscité une énorme attente. En juillet 2012, ce projet d’une console « tout en un », utilisant Android et vendue cent dollars, est lancé sur la plateforme de financement participatif Kickstarter. Le succès est immense : 65 000 personnes soutiennent le projet, et l’équipe lève 8,5 millions de dollars, nettement plus que les 950 000 dollars demandés initialement. Pour attirer les soutiens, les concepteurs du projet ont aussi su négocier des partenariats prestigieux, et laissé entrevoir des jeux exclusifs.Mais très vite, les difficultés s’amoncellent. Des problèmes de fabrication touchent les manettes ; la console manque de puissance pour faire tourner les jeux les plus gourmands ; le magasin en ligne connaît des ratés. L’accueil du grand public est donc tiède, et la Ouya se vend mal. En 2013, pour attirer davantage d’exclusivités, l’équipe lance un fonds baptisé « Free the games ». Le principe est simple : les développeurs qui recueillent au moins 50 000 dollars de financement participatif pour leur jeu bénéficieront d’un financement fourni par Ouya pour la même somme, à condition que leur jeu sorte en exclusivité pendant six mois sur la console.Mais de nombreux développeurs ne verront jamais la couleur de l’argent promis. En juillet 2015, lorsque Ouya est racheté par son concurrent Razer, différents studios lui réclament environ 600 000 dollars de promesses de financement non versées… Razer n’aura pas d’autre choix que d’accepter d’éponger la dette.Emblématique des difficultés des « consoles Android », l’histoire de la Ouya masque cependant toute une galaxie de projets, dont plusieurs se sont concrétisés cette année. Dans la catégorie haut de gamme, la Nvidia Shield, conçue à l’origine comme une console portable, existe désormais en version « télé ». Puissante, la Shield est vendue 200 dollars – cher pour un boîtier télé, bon marché pour une console. A l’opposé, la GameStick, vendue 70 euros, est bon marché mais manque de puissance et son catalogue de jeux est limité. S’y ajoutent la Razer Forge TV (90 à 135 euros), la Mojo de Mad Catz (150 euros), sans oublier des dizaines de modèles de constructeurs chinois à bas coût.A cette concurrence déjà fournie – mais qui ne dispose pas des réseaux de distribution d’Apple − il faut encore ajouter la PlayStation TV. Un boîtier bon marché (70 euros environ hors manettes) compatible avec les catalogues de jeux de la PS Vita et dématérialisés, mais qui souffre d’un manque de services vidéo.L’échec de la première console AppleIl y a vingt ans presque jour pour jour, Apple avait déjà lancé, en partenariat avec le japonais Bandai, sa première console de jeux : la Pippin. Ce fut un échec commercial retentissant, avec guère plus de 40 000 unités vendues. La Pippin était pourtant une machine intéressante − puissante, connectée à Internet −, mais cela ne suffira pas.Distribuée uniquement au Japon et aux Etats-Unis, la console manquait cruellement de choix en matière de jeux. Surtout, elle était vendue très cher – 600 dollars de l’époque, soit le double du prix de la PlayStation…En vingt ans, Apple a bien changé, le marché des jeux vidéo également. L’Apple TV est aux antipodes de la Pippin : son prix est bas, et elle devrait disposer d’un gigantesque catalogue de jeux. Pour autant, disposer d’un grand nombre de jeux de qualité ne garantit pas le succès. Parmi les jeux les plus téléchargés sur iOS, beaucoup ont été conçus pour des parties rapides dans les transports, ou nécessitent un écran tactile pour tirer pleinement parti de leurs fonctionnalités.Saturation des cataloguesLes catalogues de jeux se sont aussi largement harmonisés. Pendant des années, iOS jouissait de nombreux titres exclusifs, et les versions Android des jeux, lorsqu’elles étaient prévues, étaient souvent publiées plusieurs mois après leur sortie sur les téléphones et tablettes Apple. Aujourd’hui, la vaste majorité des titres à succès sont communs aux deux plateformes − du classique Monopoly au très expérimental Goat Simulator, en passant par des succès du jeu indépendant comme Terraria, Minecraft, Monument Valley ou Don’t Starve, les classements des titres les plus vendus tendent à se ressembler de plus en plus sur iOS et sur Android.Sans oublier un détail qui a son importance : les consoles Android « de salon » avaient aussi séduit des joueurs férus de jeux anciens, qui peuvent, via des émulateurs, jouer facilement aux anciennes gloires de la Super Nes ou de la Megadrive. Largement tolérés sur Android, les émulateurs sont bannis du magasin d’application d’Apple, pour des raisons de protection du droit d’auteur.Qu’elles utilisent iOS ou Android, ces consoles de salon à petit prix et visant le public des joueurs occasionnels devront aussi faire face à la crise de surproduction que traverse actuellement le secteur des jeux indépendants − une situation particulièrement visible dans le jeu PC sur Steam. Avec des centaines de nouveaux titres publiés chaque mois, la lutte pour apparaître dans les « tops » des magasins d’application a entraîné une course des prix des jeux vers le bas. Et menace l’équilibre économique des studios qui produiront peut-être demain les nouveaux hits sur mobile, tablette… et téléviseur.Lire aussi : La crise du jeu vidéo de 1983 va-t-elle se reproduire avec un « indiepocalypse » de 2016 ?Lire la suite