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Le Monde | 05.02.2015 à 18h26
• Mis à jour le
05.02.2015 à 19h29
| Par Adrien de Tricornot
Au siège parisien de l’association Unis Cité, près de la gare de l’Est, le groupe de huit jeunes s’installe sagement dans une salle de réunion. Ces volontaires débutent leur « semaine d’intégration », sas d’entrée vers six mois de service civique. Ils font partie des 45 000 missions financées pour 2015: un chiffre que le chef de l’Etat, François Hollande, souhaite multiplier par quatre d’ici la fin du quinquennat.Venus de toute la région parisienne, certains d’entre eux sont amis - comme Méi Ly Lim et Lassana Diallo -, de la même famille - comme les frères Jérôme et Jimmy Vivier -, d’autres se connaissent juste un peu : Geoffrey Gobin, Cléane Genalien, Gabriel Vanden Bossche et Malek Ben Romdhane.Ils ont été choisis ensemble à l’occasion d’un exercice en groupe - une mise en situation, comme par exemple organiser une animation pour une maison de retraite -, confirmé par des entretiens. Critère exclusif de sélection : leur motivation, quel que soit leur niveau d’études. L’association a pour but de former des équipes riches de leur diversité pour ce volontariat de six mois, en équipe et au service des autres, rémunéré par une indemnité mensuelle de 573 euros, dont 106 euros en nature - nourriture, matériel…AmbassadeursPour tout leur expliquer, deux « ambassadeurs Unis Cité » : Alexandre Valensi et Manuel Bravo - 25 ans tous les deux, ils ont fait leur service civique en 2014 - viennent leur présenter ce qui les attend, sous la houlette de leur coordinatrice. L’occasion surtout de se présenter, de débattre de leurs passions, de leurs attentes et de leurs craintes… Le groupe suit le parcours « coeur » qui consiste à rendre service ensemble à des associations comme les Restos du cœur, à des collectivités - par exemple par des sensibilisations du public aux gestes écologiques -, d’établissements de personnes âgées.
Un autre programme, « booster », met ensemble dix mineurs « décrocheurs scolaires » de plus de 16 ans, et dix majeurs : ces vingt volontaires du service civique font un parcours ensemble pour qu’à l’issue les dix jeunes puissent reprendre le chemin de la formation. L’un des deux ambassadeurs Unis Cité, Alexandre Valensi a, de son côté, réalisé le parcours « Rêve et réalise » : ce passionné de sport, touché depuis longtemps par la situation des sans-abri, voulait « resocialiser » des sans domicile fixes (SDF) en leur proposant des activités physiques adaptées. Son objectif : toucher 100 SDF. « Tu mets la barre très haut ! », lui avait-on dit… Résultat : 350 SDF ont été inclus dans le dispositif, et ils ont fait du sport avec 330 personnes « issues du grand public ».
Lire aussi : Service civique : comment quadrupler les effectifs ?« Je suis touchée par votre projet car j’ai moi-même été à la rue. Dans six mois, je ferai une formation de trois mois de gendarme volontaire. Entre-temps, je veux me sentir utile auprès des personnes en difficulté », dit avec une émotion contenue Méi Ly Lim, 17 ans, qui a été déscolarisée pendant quatre ans, de 11 à 15 ans.Se rendre utileQuel que soit leur parcours, les jeunes ont en commun l’expérience ou la volonté d’agir pour les autres. Gabriel Vanden Bossche, 19 ans, de Puteaux, a arrêté son BTS de commerce international« car je n’avais pas la fibre commerciale ». Bénévole depuis un an et demi aux Restos du cœur, il y a découvert qu’il aimait se rendre utile, qu’il voulait donner et avoir le temps de réfléchir à ce qu’il pouvait faire plus tard. Cléane, 24 ans, a travaillé dans la restauration après un BEP et un bac professionnel, et s’est découvert la même fibre en s’engageant, parallèlement, dans une association auprès des jeunes « qui tenaient les murs : j’ai appris comment cela se passe sur le terrain, à gérer les situations et à travailler en équipe, ça apprend une maturité ».Geoffrey, 17 ans, passionné de tatouages, cherchait un emploi après que sa seconde pro se soit mal passée. Et puis il a préféré aller vers les autres : « C’est pas pour l’argent, que je suis venu mais pour savoir que je serai utile pendant six mois ». Et Malek, 20 ans, a déjà été employée dans la restauration dans une maison de retraite. Cela lui a plu d’être au contact des personnes âgées, de travailler en équipe. Elle passe le concours d’infirmière cette année. Les deux frères Jérôme et Jimmy Vivier, diplôme d’animateur de centre de loisir en poche pour le premier, BEP de vente pour le second, sont venus d’Étampes (Essonne). Avec l’idée aussi de se rendre utiles.Nouvelle coordinatrice de groupe à Unis Cité, Agnès Mornet, 28 ans, ne dépare pas dans ces témoignages. Elle raconte qu’elle a quitté les instituts de sondage ou ses études de statistiques et de marketing l’avaient amené : « J’ai craqué, c’était trop orienté business, il manquait une valeur humaine ». Après un bilan de compétences, elle a obtenu un contrat en alternance à la Croix rouge, où elle était bénévole, et validé une licence professionnelle « insertion sociale » tout en montant des projets d’accès à la culture et aux loisirs.Nouer des liensPetite pause et petit jeu pour se détendre : les jeunes, debout et en cercle, se tiennent par la main et les coordinateurs leur demandent de « faire un nœud » sans se lâcher les mains. Fous rires, mouvements dans la pièce… Il est temps maintenant de défaire le nœud. Tout le monde se coordonne. Qu’en retirer ? Les réponses fusent : « Il faut nouer des liens »« Les liens ne peuvent pas être dénoués » « Il faut s’entraider » « En équipe, on est plus forts »« Il est important de se parler entre nous pour dénouer les situations difficiles ». Les encadrants se réjouissent : ces jeunes-là ont tout compris.On peut reprendre la discussion. Sur les passions, le sport, la musique. Et l’engagement.Cléane aime « écrire sur la condition humaine : les milieux sont différents mais les problèmes sont les mêmes ». La jeune fille commence à participer à des concours de slams. Elle se lance presque sans s’en rendre compte : « Dans une génération Nabila, il faut montrer qu’il reste des mère Thérésa. Que la jeunesse peut se fixer sur d’autres choses que sur le moi-moi-moi, les réseaux sociaux, Facebook et Twitter ». Manuel et Alexandre la voient déjà, comme eux, « ambassadrice Unis Cité ».
Les jeunes sont confiants mais se demandent souvent ce qu’ils feront après, ou s’ils y arriveront. Les réponses viendront en leur temps, les rassurent les ambassadeurs. Alexandre : « On ne vous attend que sur un seul critère : la motivation. » Manuel : « Il ne faut pas avoir peur. Pour les choses qu’on ne maîtrise pas, on est formés. » Alexandre : « Tout est fait pour que vous arriviez à faire vos missions et être à la hauteur. Se poser la question c’est déjà se fixer une exigence. C’est bon signe. »D’ailleurs, la question se posera différemment après le service civique, expliquent les « ambassadeurs ». Alexandre raconte qu’il continue bénévolement le projet pour l’accès au sport des SDF, désormais rattaché à une association, Viacti. En parallèle, il s’est installé comme autoentrepreneur : il intervient en tant que coordonnateur sportif dans un programme pour des enfants atteints de diabète. Ce double diplômé d’un master en management du sport de l’École supérieure de gestion (ESG) et d’un programme Erasmus d’entrepreneuriat à Barcelone « confirme » ainsi son « goût pour l’économie sociale et solidaire » que lui a révélé son engagement dans le service civique, quand de précédentes expériences professionnelles lui ont laissé un goût d’inachevé.La discussion s’achève. Et si quelqu’un ne va pas bien dans le groupe, qu’il se désinvestit, comment réagir ? Malek n’hésite pas : « Il faut l’écouter, et que la personne sache qu’on l’écoute. Il ne faut pas qu’une personne se referme sur elle-même. Il faut tendre la main pour éviter qu’elle ne tombe, car c’est une chance incroyable d’être en équipe. » Exactement le message que ses prédécesseurs voulaient faire passer.La réunion débouche sur la présentation des tenues siglées « Unis Cité » : des bracelets, trois tee-shirts, un polo épais, tous de la couleur orange pétante qui caractérise l’association depuis sa création voici vingt ans. Ce qui provoque une double réaction : un goût plus que modéré pour la couleur… puis la bonne surprise que ces vêtements soient offerts définitivement : « On pourra les garder ? » Les volontaires ne tardent pas à comprendre que l’orange criard et flashy leur permettra de mieux se faire reconnaître.La remise des tenues, d’un coup, devient émouvante. Chacun se lève à son tour et serre la main des « ambassadeurs ». Agnès, la coordinatrice, conclut la séance : « Je suis ravie de vous accompagner pendant six mois ! » Il ne reste plus qu’à passer à la photo de groupe, avant de préparer la première action de terrain pour le lendemain.Lire la suite