La piste d'Al-Qaida au Yémen

Vendredi soir, un responsable d'AQPA a affirmé à l'agence AP que l'organisation avait commandité l'attaque, dans un communiqué diffusé également par le site The Intercept. Des éléments de cette déclaration ont depuis été diffusés sur Twitter par divers comptes de sympatisants du mouvement. Selon ce texte, le groupe a tardé à revendiquer« pour la sécurité des exécutants ». Rien ne permet cependant, pour l'instant, de connaître avec précision le niveau d'intégration des Kouachi dans les rangs d'AQPA, ni si cette organisation peut réellement avoir été plus qu'un inspirateur, et possiblement avoir entraîné l'un ou les deux frères.
Ainsi, le procureur de Paris, François Molins, a confirmé que le cadet des deux frères, Chérif Kouachi, avait effectué un séjour au Yémen en 2011. Ce dernier l'avait affirmé dans une conversation téléphonique avec un journaliste de BFM-TV dans la matinée, selon la chaîne. « J'ai été envoyé, moi, Chérif Kouachi, par Al-Qaida au Yémen. Je suis parti là-bas, et c'est le cheikh Anouar Al-Awlaki qui m'a financé », disait-il. Il faisait référence à un voyage entrepris dans le pays à une date qu'il ne précisait pas, avant la mort de ce prédicateur américain, tué lors d'une attaque de drone de la CIA en 2011. Le procureur Molins a précisé, vendredi soir, que « l'enquête devr[ait] déterminer les financements de cette attaque, en France, à l'étranger, et au Yémen. »
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UNE ENQUÊTE OUVERTE AU YÉMEN
Dans le même temps, les autorités yéménites ont lancé une enquête sur des liens possibles entre AQPA et l'attaque contre Charlie Hebdo, a annoncé vendredi le porte-parole de l'ambassade yéménite à Washingon. Depuis jeudi, des liens avaient été évoqués entre l'attaque et AQPA autour de la figure de Saïd, le frère aîné, et non de celle de Chérif. Les autorités yéménites suspectent ainsi Saïd d'avoir combattu pour AQPA dans la province d'Abyan, dans le sud du pays, en 2011, a déclaré un responsable des services de sécurité yéménites à l'agence Associated Press (AP), vendredi. Une note des services de renseignement américains décrite à Associated Press estime également que Saïd Kouachi avait été entraîné en vue de réaliser une attaque en France.
Selon un autre officiel yéménite cité par AP, Saïd Kouachi aurait pu avoir été expulsés du pays en 2012, aux côtés de nombreux étudiants étrangers, alors que le gouvernement soupçonnait certains de se lier à Al-Qaida sous le prétexte de venirétudier l'arabe. Selon des éléments transmis par les Yéménites aux services de sécurité américains, l'homme serait, notamment, passé par la petite ville de Shihr, port de pêche ouvert sur la mer d'Arabie et réputé pour ses centres d'enseignement du salafisme, un courant sunnite qui prône un retour à l'islam des origines. La ville, qui attire des étrangers du monde entier, hébergerait de 200 à 300 Français, essentiellement des nouveaux convertis.
Charb, le directeur de la publication de Charlie Hebdo,figurait en 2013 sur une liste de 12 cibles prioritaires publiée par le magazine en langue anglaise de l'organisation, Inspire. Dans sa dernière édition, en décembre 2014, le magazine rappelait le soutien d'AQPA aux « loups solitaires » et aux petits groupes de djihadistes auto-organisés qui frapperaient dans leur pays d'origine, aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en France.
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