Groupe A : dans l'ombre du Brésil
Le Monde | 12.06.2014 à 18h35 • Mis à jour le 12.06.2014 à 20h16 | Par Yann Bouchez
Le favori : le Brésil. Chez eux, les Brésiliens n'ont pas le droit de perdre. Et évidemment, encore moins de se faireéliminer dès les phases de poules. Sans éblouir par la qualité de son jeu, l'équipe de Luiz Felipe Scolari, déjà champion du monde en 2002 avec la Seleçao et revenu aux manettes en 2012, s'est réhabituée à la gagne, en remportant la Coupe des confédérations organisée chez elle en 2013.
La sélection brésilienne n'affiche pas forcément la génération la plus talentueuse de son histoire, et présente une densité de talents plus importante en défense qu'en attaque, loin des images de futebol samba régulièrement évoquées. Mais ceux qui ont bonne mémoire se souviendront que le Brésil de Dunga sacré en 1994 n'était pas non plus un exemple de football champagne.
Son objectif officiel :effacer une bonne fois pour toutes le « drame national » de la défaite face à l'Uruguay, le 16 juillet 1950, qui avait privé le pays d'une Coupe du monde chez lui.
Son objectif officieux :Traduire la formule panem et circenses (« du pain et des jeux ») en portugais, et faire oublier, grâce à la Seleçao, les troubles sociaux qui agitent le Brésil.
Le joueur à surveiller :Neymar. Entre éloges et critiques assassines, Neymar ne laisse jamais indifférent. A 22 ans, le jeune attaquant, qui compte déjà 30 buts en 47 sélections, sort d'une saison un brin décevante au Barça. Mais il a montré qu'il savait jouer « à la maison », puisqu'il fut l'un des grands artisans de la Coupe des confédérations remportée par le Brésil à domicile.
Le joueur à ne pas surveiller : Julio Cesar. A 34 ans, le gardien vient de signer à Toronto et devrait être le portier numéro 1 de la Seleçao, signe que le poste n'est pas extrêmement fourni.
L'outsider : le Mexique. Depuis 1994, le Mexique n'a pas manqué une Coupe du monde. Mieux, « El Tricolor » a toujours réussi à se sortir de sa poule lors des cinq précédentes éditions. Petit bémol néanmoins, les Mexicains ont pris la fâcheuse habitude de ne pas dépasser ce stade. Ils n'ont fait que deux fois mieux, en 1970 et en 1986, atteignant les quarts lors de deux Coupes du monde disputées au... Mexique.
Pour valider leur billet, les coéquipiers du gardien Guillermo Ochoa ont dû passer par la case des barrages face à la Nouvelle-Zélande, finalement bien négociée. Et, pendant la campagne éliminatoire, quatre sélectionneurs se sont succédé sur le banc mexicain. Le dernier en date, nommé pour les barrages et finalement retenu, étant Miguel Herrera. Beaucoup de changements, difficile donc de savoir quelle sera leur équipe type.
Son objectif officiel :Atteindre le stade des huitièmes de finale pour la sixième fois d'affilée.
Son objectif officieux : Fêter le jubilé du défenseur Rafael Marquez avec un quart de finale.
Le joueur à surveiller : Guillermo Ochoa. Gardien de l'équipe d'Ajaccio, lanterne rouge de la Ligue 1, n'a rien d'un métier reposant. Mais du coup, Guillermo Ochoa a été mis à contribution plus que l'immense majorité de ses collègues et ses gants sont encore chauds pour le Brésil.
Le joueur à ne pas surveiller :Rafael Marquez. Les nostalgiques de ses passages à Monaco et au Barça s'indigneront. A 35 ans, le Mexicain évolue maintenant au FC Leon (1re division mexicaine), qui joue certes dans un stade appelé Nou Camp, mais à des années-lumière du niveau de jeu développé lors de la période catalane. La défense, avec l'autre vétéran, Francisco Javier Rodriguez, ne s'annonce pas comme la plus rapide du tournoi.
Lire notre portrait : Javier Hernandez, le petit pois mexicain
Le trouble fête : la Croatie. Cadeau du tirage au sort, la Croatie s'est offert le luxe d'affronter le Brésil lors du match d'ouverture de la compétition. Un belle occasion pour une équipe qui ne fait plus vraiment d'étincelles depuis la mémorable demi-finale de 1998. Le Brésil sonne aussi comme le rappel de souvenirs assez peu glorieux : c'est face à la Seleçao que les Croates avaient entamé leur dernière phase finale de Coupe du monde, en 2006.
Distancée par la Belgique en éliminatoires, la Croatie s'est finalement qualifiée en battant la modeste équipe d'Islande en barrages. Pas vraiment le profil d'un favori, donc. Mais avec des techniciens comme Luka Modric au milieu, ses deux Brésiliens naturalisés (Eduardo et Sammir) et sa doublette d'attaquants Mario Mandzukic et Ivica Olic, les joueurs à damiers peuvent aller plus loin que la phase de poules, une étape qu'ils n'ont plus franchie en Coupe du monde depuis 1998.
Son objectif officiel :Gagner au moins un match, pour faire mieux que lors de sa dernière piteuse participation, en 2006.
Son objectif officieux :Aller en demi-finales pour prouver à tous les sceptiques que 1998 n'était pas un gros coup de chance.
Le joueur à surveiller : Mario Mandzukic. L'attaquant du Bayern Munich a peut être l'élégance d'une armoire à glace, mais il sait être efficace. Buteur face à l'Islande lors des barrages, il saura oublier au Brésil les tensions dont la presse fait écho avec Pep Guardiola et les rumeurs de transferts. Le meilleur moyen de négocier un bon contrat passe d'ailleurs par une Coupe du monde réussie.
Le joueur à ne pas surveiller :Josip Simunjic. Le défenseur de 36 ans affiche plus de cent sélections au compteur, mais il ne sera pas du voyage. La faute à une blessure ? La vieillesse ? Pas du tout. Simunjic a juste décidé de fêter la victoire lors des barrages contre l'Islande en entonnant un chant fasciste. Ce qui lui a valu dix matchs de suspension par la FIFA.
La grosse cote : le Cameroun. L'avant-Coupe du monde a été perturbé par une (nouvelle) polémique autour des Lions indomptables. Selon la presse camerounaise, les joueurs de la sélection auraient réclamé 120 millions de francs CFA chacun – soit environ 220 000 euros – en prime de participation. Une « indécente revendication », selon le quotidien Le Jour.
Peut-être, mais la demande est aussi une forme de prudence : les joueurs savent qu'ils risqueraient gros à vouloir se concentrer sur les primes de victoires. De fait, depuis son quart de finale en 1990, le Cameroun a participé à quatre phases finales pour autant d'éliminations au premier tour. Et le bilan plus détaillé donne le vertige : une seule victoire, en 2002, pour 7 défaites et 4 matchs nuls.
Son objectif officiel : Ne pas terminer bon dernier du groupe.
Son objectif officieux :Essayer de ne pas se laisser perturber par les querelles de vestiaire.
Le joueur à surveiller :Samuel Eto'o. Ses désormais quatre phases finales de Coupe du monde et ses talents d'attaquant sont aussi grands que l'estime qu'il a pour lui-même.
Le joueur à ne pas surveiller :Benoit Assou-Ekotto. Le défenseur des Queens Park Rangers l'a répété, le football est pour lui « un métier, pas une passion ». Un ouvrier du foot, donc, qui s'est présenté en retard au stage de la sélection organisée en Autriche, apparemment pas si pressé que ça de retrouver ses coéquipiers.
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Le scénario attendu. Le Brésil gagne ses deux premiers matchs, contre la Croatie et le Mexique, puis Luiz Felipe Scolari fait jouer les remplaçants qui écrasent une équipe du Cameroun démobilisée après ses deux défaites initiales. Vainqueur de son dernier match face à la Croatie, le Mexique se qualifie pour les huitièmes, encore une fois. Guillermo Ochoa s'en frotte les gants.
Le scénario inattendu. Le Brésil gagne ses deux premiers matchs contre la Croatie et le Mexique, puis Luiz Felipe Scolari fait jouer les remplaçants qui laissent filer leur troisième rencontre face à des Camerounais assurés de se qualifier en cas de victoire. Les Mexicains et les Croates, s'estimant lésés, crient au scandale. Samuel Eto'o, auteur d'un doublé, préfère minimiser sa performance pour mieux saluer la « qualité du groupe » et souligner « la force du collectif » qui a permis la qualification de son équipe.
Comme on se retrouve. Eduardo Alves da Silva va vivre le rêve de nombreux Brésiliens : disputer une Coupe du monde au Brésil « chez lui ». A un détail près : lors du match d'ouverture, le natif de Rio, ne portera pas la tunique de la Seleçao mais le maillot à damier de la Croatie, dont il a adopté la nationalité. Adolescent, Eduardo est repéré par le Dinamo Zagreb en 1998. Après une période d'adaptation difficile et un retour en prêt au Brésil, l'attaquant fait son trou en Croatie, où il devient l'un des meilleurs joueurs du championnat – avant d'allerjouer du côté d'Arsenal et aujourd'hui du Chakhtar Donetsk.
Ce qui va faire parler. Les choix de Volker Finke. Etre sélectionneur du Cameroun n'est pas vraiment une sinécure. Outre l'épineuse question des primes, qui ne le concernent qu'indirectement, le sélectionneur sait que ses décisions risquent d'être contestées. Jean-Armel Kana-Biyik, en stage en Autriche avec les Lions indomptables mais finalement non retenu pour le Brésil, a donné un avant-goût de ce qui attend Volker Finke. « Je me rends compte qu'il y a plein de magouilles en équipe du Cameroun, et ça ne changera jamais. La sélection du Cameroun est remplie de mauvaises choses », a déclaré le défenseur du Stade rennais, avant d'affirmer qu'il mettait un terme à sa carrière internationale, à pas même 25 ans.
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