Les relations amoureuses libres
marchent-elles vraiment ?
Trois couples nous répondent
Par Carole Larcher
Que ce soit dans la nouvelle série américaine « satisfaction », ou bien les interviews de Will Smith et Jada Pinkett-Smith, ou même des Brangelina, le voile se lève et la parole se libère sur les couples libres.
Ce franc-parler nouveau met en lumière un choix de relation fait par une partie de la population même s’il n’existe pas de statistiques nationales de renom sur la non-monogamie consensuelle en France. Aux Etats-Unis, le psychologue Terri Conley de l’Université du Michigan a estimé qu'environ 5% pour cent des américains (réputés plus puritains que nous) sont dans un de ces types de relation à un moment ou un autre.
Il est difficile de nier l’appel d’une telle liberté : imaginez, avoir les avantages d'être en couple ou marié et le plaisir d’une totale liberté sexuelle…
Mais, la relation partagée avec un autre partenaire diminue-t-elle l'intimité physique et émotionnelle de la relation primaire?
Est-ce que les deux parties peuvent vraiment être heureuses dans ces relations ? Voyons comment trois couples dans des relations libres différentes fonctionnent ou pas.
Strictement récréatif
Pierre * et Laure * sont en couple depuis près de quatre ans et vivent actuellement ensemble. Il a toujours été mutuellement entendu que la relation est ouverte parce que, selon Pierre : "je n’associe pas nécessairement le sexe avec l’amour, et parce que les plaisirs physiques peuvent être amusants sans la composante de l'amour, en particulier avec des amis."
La plupart des partenaires sexuels que Pierre et Laure ont en dehors de leur relation sont des gens qui sont déjà dans leurs cercles sociaux et connaissent donc leur situation. Pierre et Laure voyagent aussi fréquemment, mais pas toujours ensemble, donc une relation ouverte leur permet de satisfaire leurs besoins sexuels quand ils sont séparés. Comme beaucoup de couples, ils ont des règles concernant les limites de leur relation, comme être toujours honnête l’un envers l’autre et ne pas rapporter de drame à la maison avec leurs exploits sexuels. Alors que le sexe en dehors de leur relation est strictement récréatif, leur relation s’enracine dans un véritable lien affectif.
L’accord tacite
Julie* est dans une relation libre avec Matthieu* depuis plusieurs années, mais elle ne pense pas que l'honnêteté soit la meilleure politique quand il s’agit d'être dans une relation ouverte. Elle et lui couchent avec d'autres personnes, mais le sujet n’est jamais explicitement abordé.
"Vous ne pouvez pas dire à votre petit ami : tu es nul au lit, je ne jouis jamais, tu vas trop vite», "dit-elle. « Et vous ne pouvez pas laisser l’aspect sexuel empoisonner une relation ; car si le sexe est frustrant, cela finira par arriver. Nous sommes, après tout, des animaux. Si vous pouvez obtenir ce dont vous avez besoin avec un autre gars et non un vibrateur, où est le mal? »
Julie marque a un point : un lien émotionnel avec quelqu'un que vous aimez n’équivaut pas nécessairement à une compatibilité sexuelle. Elle pense également que fermer les yeux peut avoir ses avantages. Par exemple, elle note que la culpabilité déclenche chez son petit ami des efforts pour la traiter mieux : "Je me suis réveillé une nuit alors que j’avais refusé de faire l’amour avec lui. Je l’ai trouvé dans son bureau sur sa webcam en train d’avoir des rapports sexuels avec une autre femme. Je n’ai rien dit et je suis retournée au lit. Le lendemain, il m’a emmené dîner dans un super endroit et nous avons passé la meilleure des soirées. E t je n’étais même pas en colère contre lui. Il était soulagé que je ne m’en fasse pas pour ça et il m’a gâtée d’autant plus ». Bien que la relation de Julie avec Matthieu ait ses problèmes, elle ne pense pas que discuter de leur infidélité consensuelle ou de devenir monogame réparerait leurs problèmes.
Polyamoureux
Marié depuis 10 ans, Cécile et son mari ont décidé ensemble d'être polyamoureux il y a environ un an. Le polyamour implique un couple qui ouvre leur relation à la fois physiquement et émotionnellement. Quand j’ai demandé à Cécile ce que son petit ami lui donne et qu’elle n’a pas de son mari, elle répond que son : " mari est un introverti simple. Mon copain est un militant extraverti. Nous nous retrouvons sur des choses différentes."
Peut-être bien que Cécile a mis le doigt sur quelque chose. Tout le monde est-il vraiment capable de satisfaire 100% des besoins sexuels et affectifs de leur partenaire? Mais la question centrale demeure : avoir potentiellement tous ses besoins sexuels et affectifs comblés en vaut-il la chandelle ? C’est-à-dire de risquer tous les drames et douleurs qui pourraient s’ensuivre?
Cécile pense que "Si vous êtes vraiment honnête et que vous communiquez, il n’y a est pas vraiment plus de drames que dans une relation monogame. En fait, notre relation est meilleure depuis que nous sommes devenus poly…"
Il s’avère que les gens dans des relations ouvertes pourraient bien avoir une longueur d'avance psychologique sur leurs homologues monogames. Selon Bjarne Holmes, un psychologue de l’Université Champlain dans le Vermont:
« Les gens dans des relations non monogames consensuelles doivent vraiment communiquer. Ils communiquent sans arrêt, presque excessivement. Ils sont potentiellement en train de faire ce qui pourrait se révéler exactement ce que devraient faire ceux qui pratiquent la monogamie pour améliorer leurs relations. »
Les relations libres ne sont donc pas seulement à propos de sexe ou même d’amour, comme cela pourrait sembler être de prime abord. Elles sont surtout une communication ouverte et honnête, envers l‘autre et envers soi-même. Et c’est quelque chose vers lequel tout le monde peut tendre, quel que soit le type de relation dans laquelle on est.
C.L
* Les noms ont été changés.