Allo… elle court, elle court, la rumeur!
Christian Duteil
La rumeur est un mal qui répand insidieusement la terreur : elle court, elle court, elle enfle et rien ne semble pouvoir l’arrêter… notamment sur Internet où elle crée le buzz. Elle ouvre une brèche dans son rapport au réel qu’elle martyrise sans état d’âme. Elle se nourrit même des démentis de ses victimes et alimente la théorie du complot, du genre « on nous cache toujours quelque chose, on ne nous dit pas tout ». Il ne s’agit plus bien sûr de la rumeur d’Orléans mais plutôt de la rumeur de François.
En 1969, la rumeur d’Orléans disait « Méfiez-vous des cabines d’essayage qui participent à la traite des blanches via les commerces tenus par des Juifs ». Ces derniers jouaient alors dans l’inconscient collectif un rôle de repoussoir, aujourd’hui ce seraient plutôt les gens célèbres ou les people comme on dit qui alimenteraient le buzz. Ce n’est pas Isabelle Adjani qui dira le contraire, elle qui fut obligée en 1987 d’apparaître en chair et en os au Journal télévisé de Bruno Masure pour faire taire la rumeur qui la prétendait atteinte du sida et à l’article de la mort.
Depuis fin janvier 2013, la rumeur selon laquelle François Hollande aurait une liaison avec l’actrice Julie Gayet courait dans les rédactions et les dîners en ville relayée complaisamment sur le Web. Sans aucun fondement jusqu’à preuve du contraire. L’actrice excédée vient de craquer et de porter plainte au risque de rallumer la fausse information et de donner corps à un ragot. Quant au Président de la République qui a le cuir bien tanné par quelques décennies de vie politique où tous les coups sont permis, il a bien d’autres préoccupations plus graves en ces temps critiques où le chômage enfle et la récession se précise en France.
Mais la rumeur a plus d’un tour dans son sac, renaît de ses cendres comme Phénix et rebondit aussitôt en s’attaquant à d’autres proies. Ainsi, Jean Dujardin et Alexandra Lamy ont tenté par presse interposée- Le Figaro pour ne pas le citer- de clore le bec à la rumeur de leur séparation colportée depuis une semaine par certains médias. Alors que la fausse nouvelle de leur rupture s’amplifiait de jour en jour et que rien ne semblait pouvoir l’endiguer.
« Toutes ces rumeurs sont délirantes. Entre partir en vacances entre copains et se séparer, il y a tout de même un fossé. Ce qui est affreux, c’est qu’on aura beau démentir, personne ne nous croira. ». Car la rumeur qui ne connaît pas la censure à la vie dure avec le bouche-à-oreille sur Internet, le buzz.
Pourtant, il faut garder à l’esprit que 70% d’entre elles sont fausses. Un sociologue avait même eu l’idée astucieuse de lancer il ya quelques années un répondeur « Allo rumeur » pour récolter l’ensemble des rumeurs afin de les recenser et de les analyser.
« N’a de convictions, dit Cioran, que celui qui n’a rien approfondi ». M’est avis que ceux qui l’ignorent prennent rarement le risque de penser. Ce qui n’est pas le cas du groupe américain Mondelez, propriétaire du célèbre Carambar. Jeudi 21 mars, Internet, radio et télévision se sont empressés de diffuser une information de la plus haute importance : Carambar arrête ses blagues. Un coup publicitaire réussi à moindre frais par la marque de bonbon qui aura réussi le tour de force de se glisser à la «une» des médias. Et pour une fois ce n’était pas une fausse rumeur. Désormais, les blagues Carambar céderont la place à des quizz ou à des problèmes mathématiques avec le lancement d’un nouveau slogan « Carambar, c’est du sérieux ». Sans blague ?
CD