Les vieux, les malades et l’hôpital : chronique d’une mort annoncée.
Nous ne sommes pas dans « Soleil vert » revisité par Tarentino ou Oliver Stone. Nous sommes en France en 2011, où après avoir inventé les droits de l'homme, nous procédons avec systématisme et bonne conscience à l'élimination des personnes malades, âgées et dépendantes.
Infirmières, médecins, administratifs, politiques, chacun au poste où il est, sait de quoi il s'agit. Pourtant dans un consensus général et tragique personne ne dénonce une méthodologie de l'élimination, où la barbarie le dispute à l'efficacité, ce qui n'est pas sans rappeler une histoire nazie qui éliminait handicapés, gitans, juifs, enfants et vieillards, enfin tous ceux qu'elle considérait improductifs ou différents.
Les problèmes économiques, le manque d'effectifs et les formations inadaptées sont les raisons derrière lesquelles se camoufle ce scandale humain.
Les vieux...
Ils arrivent à l'hôpital pour des petits ou gros bobos, parfois pour presque rien, peur d'un manque de souffle, d'un rhume qui traîne, peur d'être seul surtout...
Mais les hôpitaux ne sont pas des garderies pour anciens, alors une fois le problème médical traité, s'il y a lieu, on ne s'occupe plus de savoir s'ils ont pris leur repas, s'ils sont sortis de leur lit, s'ils ont eu ou pas des visites.
Les vieux malades deviennent alors des personnes gênantes et embarrassantes que les structures hospitalières ne peuvent ou ne veulent pas garder, même si leur santé et leur autonomie se sont particulièrement dégradées pendant leur hospitalisation. L'alitement a diminué leur tonus musculaire, mais surtout leur force de vie, cette force de vie qui leur avait fait choisir d'aller à l'hôpital pour y être secouru.
L'indifférence ordinaire des soignants
Pour le personnel soignant, la dégradation rapide des vieilles personnes en centres hospitaliers est une chose normale et intégrée, et sa seule préoccupation est : comment s'en débarrasser.
Les moyens séjours et les maisons de convalescence prennent alors le relais des hôpitaux, et c'est dans ces lieux aux noms évocateurs de santé retrouvée, que les vieux malades finissent grabataires, incontinents et paralysés par le biais de traitements qui leur sont administrés : les « camisoles chimiques.»
Les camisoles chimiques, qu'est-ce que c'est ?
Les camisoles chimiques sont des molécules, des substances médicamenteuses aux propriétés multiples dont la plus importante est celle de tétaniser et paralyser les muscles. En quelques heures, les malades ne sentent plus leur corps de la même façon. Ils deviennent incontinents et on leur met des couches, ils perdent la notion du temps et le médecin peut dire « qu'ils ont des problèmes spatio-temporels » ; entendez « ils sont tellement vieux qu'ils perdent la tête ou qu'ils n'ont plus leur tête »...
Et c'est vrai puisque les camisoles chimiques que les vieux malades ingèrent, leur ravagent le cerveau.
Mais, ces substances qui entraînent la perte des fonctions essentielles, effectivement celles liées aux muscles et aux notions d'espace-temps, font en quelques mois, mourir les personnes qui y sont soumises.
Des vieilles personnes qui vivent leurs dernières semaines attachées dans des fauteuils, la tête pendante, avec des couches et dans l'incapacité absolue de se nourrir ou de survivre seules, leurs muscles et leur corps étant de plus en plus figés. La plupart du temps, elles sont délaissées, sans soins et sans respect, dans la plus violente des indignités physiques (lorsque vous êtes à la merci des autres comment vous défendre d'une indifférence ordinaire qui touche au sadisme), que quelques parents épouvantés cherchent à limiter, mais sans connaissance réelle de ce qui se passe sur le plan médical.
Des parents pas toujours présents, mais qui lorsqu'ils le sont, et après plusieurs semaines d'incompréhension, vont à l'urgence : laver, alimenter, soigner leurs anciens abandonnés dans leurs excréments lorsque le personnel soignant n'a pas jugé utile de changer ou mettre une couche au malade.
En mars 2003, j'ai écrit un livre avec une amie sur ce sujet, savez-vous ce qu'a dit l'Editeur : « c'est pas vendable, les gens se fichent pas mal des vieux ! »
Il ne l'a donc pas publié, mais quelques mois après, l'été fut caniculaire et fit survenir la mort de milliers de vieilles personnes. Dans tous les médias ce fut une course à la solution, à celui qui verserait le plus de larmes, les vieux d'un coup faisaient pleurer dans les chaumières, une course surtout à la gloire et à la reconnaissance immédiate et facile, mais personne ne parla des camisoles chimiques.
Les camisoles chimiques supprimées, on en aurait fait quoi des vieux ?
Pour des raisons de décence et d'éthique, je n'ai plus voulu publier ce livre, on continue de mettre les personnes âgées sous camisoles chimiques et elles continuent de disparaître dans l'indifférence cynique des responsables politiques et médicaux...
Malgré tout, hier dimanche 16 Octobre 2011, une partie de la France a choisi celui qui portera les couleurs de la gauche à la Présidence Française, avec l'envie de plus de justice et plus de fraternité et solidarité, plus d'équité, alors je la mets au défi, je vous mets au défi monsieur François Hollande, si vous devenez Président de la République en 2012, saurez-vous réfléchir et trouver des solutions, saurez-vous faire cesser ces « assassinats collectifs et organisés ? » dans les centres hospitaliers ou de convalescence sur le territoire national ?
La précarité de la nature humaine angoisse l'ensemble de l'humanité, ou presque, mais il n'est pas nécessaire de rajouter de la douleur à la douleur, des violences aux violences inéluctables. Qu'enfin les vieilles personnes aient le droit de cheminer à leur rythme. Qu'on leur reconnaisse des droits, au moins celui de vivre, si ce n'est celui d'être aimé, choyé et respecté.
L.G